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"Toutes n'ont pas été identifiées, loin de là" : près de 4 ans après la mort de Jean-Luc Brunel, une avocate de victimes raconte comment leur combat se poursuit

PODCAST - En août 2019, Jeffrey Epstein, homme d'affaires accusé de trafic sexuel de mineurs se suicide en prison à New York. L'enquête met au jour les liens qu'il entretenait avec un agent de mannequin français, Jean-Luc Brunel lui-même accusé de violences sexuelles. Dans "Les Voix du crime", Anne-Claire Lejeune, l'avocate de six de six plaignantes racontent leur combat pour être reconnues victimes.

L'avocate Anne-Claire Lejeune (à gauche) et deux femmes témoignant des violences sexuelles dans le milieu du mannequinat au Sénat en 2021.

Crédit : JOEL SAGET/AFP

Affaire Epstein : l'avocate de six victimes de Jean-Luc Brunel raconte la "sororité" de ses clientes face à l'agent de mannequins

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Marie Zafimehy

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"Un sentiment de répétition qui donnait réellement le tournis". En 2019, lorsque l'avocate Anne-Claire Lejeune est contactée par plusieurs femmes qui se disent victimes de Jean-Luc Brunel, un agent de mannequin français, elle ne s'attend pas aux proportions que va prendre cette affaire de viols en série. L'enquête a débuté aux  États-Unis, où l'homme d'affaires Jeffrey Epstein s'est suicidé en prison après avoir été inculpé pour trafic sexuel. Jean-Luc Brunel est un de ses amis.

"On va se rendre compte que Jean-Luc Brunel va aller rendre visite à Jeffrey Epstein quand il est incarcéré, qu'ils vont voler ensemble dans différentes directions", se souvient Maître Lejeune dans Les Voix du crime. "Puis il y a des échanges de mails quand même aussi extrêmement nombreux. Ils vont parler notamment de jeunes femmes, voire de très jeunes femmes."

Jean-Luc Brunel a-t-il fourni des mineures à son ami Jeffrey Epstein ? C'est en tous cas ce qui ressort des témoignages de plusieurs victimes américaines, mais rien ne le prouve. Après son arrestation en décembre 2020, le Français est donc seulement placé sous le statut de témoin assisté dans cette affaire. En revanche, il est mis en examen concernant les faits de viols et d'agressions sexuelles dont il est lui-même accusé. Il se suicide en prison deux ans plus tard.

On parle beaucoup de sororité, mais c'est vrai que ce mot, on l'a vu réellement s'illustrer dans cette procédure

Me Anne-Claire Lejeune

À sa mort, les clientes de Maître Lejeune sont partagées. "Pour certaines, je vais dire qu'on est sur une forme de soulagement, raconte-t-elle. Elles ont l'impression que finalement, cette fin ou une autre, ça permet de tourner la page. Et puis, pour d'autres, par contre, c'est vraiment un effondrement psychologique compliqué. Le sentiment, une nouvelle fois, qu'on leur a retiré la seule chance qu'elles pouvaient avoir d'être connues comme victimes."

Seules deux d'entre elles - sur six - décrivaient des faits non prescrits. L'une d'elle est une grande mannequin qui souhaite rester anonyme. Elle a contacté Maître Lejeune en cours d'instruction, bien après les premières clientes. Toutes vont se soutenir. "Je pense qu'elles sont motivées par l'idée de pouvoir s'aider les unes les autres, estime l'avocate. On parle beaucoup de sororité, mais c'est vrai que ce mot, on l'a vu réellement s'illustrer dans cette procédure."

Toutes décrivent un mode opératoire similaire. "Il va proposer un verre, généralement un cocktail, qu'elles vont accepter, relate Me Lejeune. Elles vont toutes nous dire que le verre va être suivi de trous noirs importants et qu'elles se réveillent quelques heures plus tard après avoir perdu connaissance dans le lit de Jean-Luc Brunel alors que celui-ci souvent est en train de les violer." Elle ajoute : "C'est vrai que des femmes qui ne se connaissent pas et qui ont un discours commun, ça alerte toujours, ça interroge toujours."

Toutes les victimes n'ont pas été identifiées et loin de là

Me Anne-Claire Lejeune

Jean-Luc Brunel mort, l'action publique s'éteint à son encontre : il sera pour toujours présumé innocent. Pourtant, Maître Lejeune est persuadée qu'il existe d'autres femmes qui n'ont pas encore témoigné. 

"Chaque victime a son rythme, on le sait, admet-elle. Ça peut mettre parfois des années, parfois c'est à la lecture d'un article de presse, parfois après un échange avec une autre victime. Et donc le fait qu'aujourd'hui on en parle encore, je pense qu'effectivement toutes les victimes n'ont pas été identifiées et loin de là", affirme-t-elle. Plusieurs de ses clientes ont suivi son conseil d'entamer une procédure de justice civile : celle-ci vise les héritiers de Jean-Luc Brunel. 

"Le départ du délai de prescription, c'est le jour où la victime est considérée comme consolidée, c'est-à-dire comme guérie. Et vu que la plupart aujourd'hui ont encore des préjudices, notamment psychologiques, très importants, le délai de prescription ne commence pas à courir. Et donc ça permet d'obtenir une indemnisation si on arrive à démontrer là encore une faute, un lien de causalité, un préjudice." Cette procédure est un moyen pour ces femmes d'être reconnues victimes, et peut-être, là aussi, de convaincre d'autres victimes de parler. 

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