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Les parents d'Aude Ledoux avec leur livre photographique au micro des Voix du crime à RTL
Crédit : RTL
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Aude Ledoux, mère de 34 ans et responsable d’une base nautique, est tuée par son conjoint un dimanche de septembre 2017. Ce week-end là, elle s’était rendue à Vannes avec Joachim pour passer quelques jours dans l’appartement secondaire de ses parents.
Aude Ledoux vivait en Belgique au moment de son décès. Elle attendait au moment des faits le délibéré du jugement sur la garde de son enfant. À Vannes, plusieurs disputes et altercations dans la rue éclatent, selon les déclarations des voisins. Sans nouvelles de leur fille, les parents d’Aude s’inquiètent de la situation. Sa mère décide de se rendre à Vannes deux jours après le meurtre. Elle retrouve sa fille égorgée dans un appartement retourné.
Comment raconter le féminicide derrière les décomptes officiels du nombre de victimes ? Quelle est la teneur de la vie qui a été brisée ? Comment faire vivre les victimes dans nos mémoires et tenter de se reconstruire ? Dans Les Voix du crime, les parents d’Aude Ledoux, Louisette Battais et Thierry Ledoux, racontent qui était leur fille et dénoncent l’ampleur des féminicides.
La thérapie de Thierry Ledoux et Louisette Battais, les parents de la victime, est passée par la photographie pour l’un et l’écriture pour l’autre. Ces images et ces mots, ils les ont réunis dans Aude : un jour de septembre, paru en 2024 aux éditions Trans Photographic Press. Ce livre raconte l’absence, "l’histoire d’une résilience". Ils mettent en lumière la vie que le meurtrier a voulue effacer. Les bénéfices de cet ouvrage sont reversés au collectif féministe #NousToutes.
Elle sauvait le monde en permanence
Louisette Battais, mère d'Aude Ledoux
"Une image que j'aime beaucoup, c'est celle où elle est sur la plage en train de marcher avec son chien l'hiver.(...) Elle venait d'avoir son brevet d'éducateur sportif voile. Elle travaillait au yacht club de Deauville. (...) Elle avait 22 ans à l'époque. Là, c'est bien elle, avec sa façon de s'habiller, ses chaussures délacées, son pantalon qui tombe sur le sol, avec ses lunettes et son chien. C'est une photo qui la résume bien", décrit Thierry Ledoux esquissant un sourire face à la photographie.
Louisette Battais ajoute : "Elle avait un caractère entier. Elle sauvait le monde en permanence". Aude Ledoux a par exemple sauvé son cheval et son chien pour leur éviter l’abattoir et la SPA, raconte sa mère qui se souvient du "rire communiquant" de sa fille.
Passionnée par la mer, Aude en avait fait son métier dans le Pays basque. Mais trois ans après sa rencontre avec le père de son enfant en 2006, elle part vivre en Belgique où il a été muté. "Juste avant de mourir, elle n'était plus du tout au bord de la mer", regrette Louisette Battais. Leur fille doit alors tout reconstruire dans une région flamande dont elle ne parle pas la langue.
Aude Ledoux et son premier compagnon se séparent en 2015. La jeune femme trouve un travail en Belgique puis fait la rencontre de Joachim, son futur meurtrier, en juin 2016. Au départ, Aude est "très heureuse". "C'était un garçon gentil, cultivé, qui aimait bien les enfants, qui aimait bien sa fille. Mais moi, je ne connais pas grand-chose de sa vie là-bas", expliquent les parents de la victime.
Louisette Battais, la mère d’Aude Ledoux, se rend régulièrement en Belgique après la séparation de sa fille. Mais les parents ne voient que peu le jeune homme de 26 ans, souvent absent de l’appartement. "Puis tout d'un coup, on apprend que les choses dérapent", explique Thierry Ledoux qui a pris conscience que les violences faites aux femmes pouvaient toucher "tous les milieux sociaux".
En juin 2017, l’année de sa mort, Aude Ledoux dépose plainte contre son compagnon pour des faits de violences conjugales. "On s'est un peu inquiétés (...) Aude ne nous a pas dit tous les détails de ce qui s'était passé. Elle nous a dit qu'il allait mal, qu'il y avait eu des coups, qu'elle avait été portée plainte et que lui tout de suite il s'était rendu de lui-même à la police", explique Thierry Ledoux au micro des Voix du crime.
Joachim est incarcéré durant une semaine et écope de deux mois d’éloignement assortis d’une obligation de soins. À cette période, le compagnon d’Aude venait de perdre successivement son père puis son frère, ce qui a conduit son psychologue à établir une "violence circonstancielle".
À Vannes, après les faits, Joachim prend la fuite avec la voiture et le téléphone d’Aude. Tous les soupçons se tournent directement vers lui puisque lui seul était sur place. Deux semaines plus tard, il est repêché dans un canal breton. Son suicide entraîne la clôture de l’enquête. Les parents d’Aude Ledoux doivent maintenant vivre avec de nombreuses zones d’ombre et concilier avec le fait que Joachim ne sera jamais condamné et demeurera présumé innocent.
Notre fille n'est pas un numéro
Thierry Ledoux, père d'Aude Ledoux
Les médias relaient un décompte officiel des féminicides, lancé en 2022 par le collectif féministe #NousToutes. Ce chiffre est accompagné d’un nom, d’un âge, d’une profession et parfois d’une unique photo de la victime. Les parents d’Aude Ledoux voient cette initiative d’un bon œil : "ça fait prendre conscience du nombre de victimes chaque année", affirme Thierry Ledoux. Louisette Battais éprouve-t-elle également de la colère quand elle voit les chiffres avancer.
S’ils ne rejettent donc pas ce décompte, ils présentent une autre manière de rendre hommage : raconter la vie de celle qui a été tuée. "On voulait donner un visage, donner un nom (...) ça humanise et ça individualise les choses. Notre fille, ce n’est pas un numéro", explique Thierry Ledoux.
Cette épreuve qu’ils traversent ensemble leur a fait réaliser l’ampleur du phénomène des féminicides. "On a toujours le même schéma. Un schéma de domination, d'isolement de l'individu, de la dépendance des femmes par rapport aux individus qui se terminent soit par des coups dans le meilleur des cas, soit par des assassinats (...) On ne peut pas rester comme ça à attendre tranquillement que des femmes se fassent massacrer", conclut Louisette Battais à qui il arrive de croire apercevoir sa fille dans la rue ou attendre l'un de ses appels.
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