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"J'entendais les mêmes mots" : près de 50 ans après l'historique "procès du viol", l'avocate Agnès Fichot livre son regard sur l'affaire Mazan

PODCAST - En 1978 s'ouvre à Aix-en-Provence, le procès surnommé "procès du viol" : trois hommes sont jugés pour avoir agressé deux femmes en pleine nuit dans une calanque marseillaise. Les deux plaignantes sont assistées de Gisèle Halimi, avocate réputée pour sa défense des droits des femmes. Dans "Les Voix du crime", Agnès Fichot, sa collaboratrice, témoigne de ce procès historique et dresse un parallèle avec le procès des Viols de Mazan qui a eu lieu en 2025.

L'avocate Agnès Fichot, ex-collaboratrice de Gisèle Halimi, en 2020.

Crédit : Didier Allard / Ina / Ina via AFP

En 1978, le "procès du viol" à Aix-en-Provence : ex-collaboratrice de Gisèle Halimi, l'avocate Agnès Fichot raconte cette affaire qui a changé l'Histoire

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Marie Zafimehy

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"J'ai, dès qu'elle a pris la parole, ressenti qu'elle allait faire grand." En 2024, l'avocate Agnès Fichot se rend au procès des cinquante hommes - dont son propre mari - qui sont accusés d'avoir violé Gisèle Pelicot. Contre toute-attente, cette dernière a demandé la levée du huis-clos : la presse et le public peuvent assister aux débats. "Cette femme-là, je voulais lui dire tout mon respect", poursuit Agnès Fichot dans Les Voix du crime.

Et pour cause : 46 ans auparavant, l'avocate a participé à un procès tout aussi historique concernant les faits de viol. Elle était à l'époque collaboratrice de Gisèle Halimi, figure de la défense des droits des femmes, et défendait deux femmes victimes. Leurs noms ? Anne Tonglet et Aracelli Castellano. Deux touristes belges violées en pleine nuit tandis qu'elles campaient dans une calanque marseillaise. 

Le procès de leurs trois agresseurs se tient sur deux jours en 1978 à Aix-en-Provence dans une ambiance hostile. "Nous sommes des salopes, des gouines, surtout toujours ça (...) C'était ainsi et c'était d'une extrême violence", se rappelle Agnès Fichot. Même si près de 50 ans après, Gisèle Pelicot est plutôt applaudie, la défense des accusés n'a elle, pas changé selon l'avocate. 

J'entendais les mêmes mots

L'avocate Agnès Fichot

Au procès des Viols de Mazan, nom donné au procès des agresseurs de Gisèle Pelicot, Agnès Fichot se souvient avoir été choquée. "Plus j'entendais la défense des accusés - puisque c'est à ce moment-là que j'y suis venue - plus je me disais mais 'c'est insupportable, on en est encore là ?'. J'entendais les mêmes mots, j'entendais la testostérone, je l'ai répété, dit et redit, mais j'en suis toujours tellement sidérée."

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Quarante-six ans plus tôt, elle se souvient de la même rhétorique de la défense : une ligne qui blâmait ses clientes, deux lesbiennes en couple, plutôt que les accusés. "Finalement, c'étaient des femmes libres, ironise Agnès Fichot en reprenant les plaidoiries de ses confrères de la partie adverse. Qu'est-ce à dire ? Quand on est une femme libre, c'est-à-dire homosexuelle, vivant sa sexualité, et en plus, allant dans cette calanque de Morgiou à l'écart de tout, c'est tout de même spécial. Donc ce sont des femmes, finalement, licencieuses. (...) Elles ont bien cherché ce qu'elles voulaient."

Gisèle Pelicot elle-même a dû se battre en 2024 pour faire entendre qu'elle n'était pas consentante lorsqu'elle était violée dans son sommeil, droguée préalablement par son mari. Un combat et des prises de parole qui ont rappelé à Agnès Fichot les mots de Gisèle Halimi à l'époque du procès d'Aix-en-Provence. "Je me suis dit, cette femme-là, cette autre Gisèle, elle va aussi emporter quelque chose de l'universel de l'histoire des femmes."

Ce procès, il a conduit tout naturellement à un changement de loi

Me Agnès Fichot

En 1980, à la suite du procès des agresseurs d'Anne Tonglet et Aracelli Castellano, la définition pénale du viol évolue. Cette infraction devient "tout acte de pénétration sexuelle commis par violence, contrainte, menace ou surprise", plutôt qu'une "pénétration sexuelle forcée". "Ce procès, il a conduit tout naturellement à un changement de loi et à dire que ces faits-là sont criminels", confie aujourd'hui Agnès Fichot.

L'avocate se félicite de la nouvelle modification de la loi survenue en novembre 2025. Désormais, le viol et les agressions sexuelles sont définis plus précisément comme "tout acte non consenti" - la suite de la définition reste la même.  "La loi n'est pas du tout une simple indication et une injonction, bien sûr, pour l'appareil judiciaire, indique Agnès Fichot. Elle est aussi, pour toute une société, non seulement une invitation, mais une forme, en tout cas ambiante, d'injonction à penser les choses autrement."

Selon l'avocate, le combat continue tout de même. "On ne lâche rien", conclut-elle en insistant sur le rôle des nouvelles générations qui ont, selon elle, encore un rôle à jouer dans l'appréhension des violences sexistes et sexuelles. 

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