L'ADN pourra-t-il de nouveau faire des miracles dans une des plus grandes énigmes criminelles françaises, restée irrésolue depuis douze ans ? C’est en tout cas l'un des leviers actionnés par le pôle cold-cases du Nanterre, désormais en charge de la tuerie de Chevaline, pour débloquer l’enquête.
D’après les informations de RTL, plusieurs scellés retrouvés sur la scène de crime font l’objet d’expertises poussées, dans l’espoir d’identifier de nouvelles empreintes.
Le 5 septembre 2012, trois membres d’une même famille britannique d’origine irakienne en vacances, ainsi qu’un cycliste savoyard, étaient retrouvés criblés de balles sur le parking d’une route forestière située sur le territoire de Chevaline, un petit village de Haute-Savoie.
Les deux fillettes de la famille, âgées de 4 et 7 ans, dont l’une a également été visée par des tirs, ont miraculeusement survécu. Depuis, malgré des centaines d’auditions et des investigations hors norme en France et dans plusieurs pays, rien n’a permis aux gendarmes de la section de recherches de Chambéry d’identifier le coupable.
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Début 2024, une série d’expertises génétiques a donc été ordonnée par la juge d’instruction Sabine Khéris, doyenne du pôle cold-cases. D’abord sur deux mégots découverts juste après les faits, à proximité du parking du Martinet, là où la BMW de la famille al-Hilli a été retrouvée, le moteur en marche, la marche arrière enclenchée, trois corps assassinés à l’intérieur – le cycliste gisait juste à côté sur le sol.
Au total, une dizaine de mégots récupérés par les enquêteurs font partie des scellés. Tous ont déjà été analysés, sans que les ADN isolés à ce jour aient permis de conduire à un suspect. Deux d’entre eux, notamment, se sont révélés provenir de cigarettes grillées une semaine avant les faits par un militaire en exercice, garé quelques minutes sur le parking au volant de son camion.
On ne sait pas pourquoi la juge a ciblé uniquement deux autres mégots, mais l’objectif est simple : établir si les progrès de la génétique permettent d’identifier de nouvelles empreintes exploitables.
Autre scellé envoyé à l’analyse : la tenue portée le 5 septembre 2012 par le cycliste abattu de cinq balles, Sylvain Mollier, un habitant de la région âgé de 45 ans et père de trois enfants, dont l’environnement n’a laissé apparaître, à ce jour, aucun suspect avec un mobile plausible. Son casque, ses chaussures, et ses vêtements de sport vont eux aussi être analysés, une nouvelle fois, par un laboratoire spécialisé. Selon BFMTV, les vêtement de la fille ainée de la famille, retrouvée grièvement blessée par balles mais rescapée de la tuerie, ont eux aussi été sortis des scellés.
La dernière expertise ordonnée par la juge concerne l’arme utilisée, un Luger P06-29, pistolet de collection de fabrication suisse autrefois utilisée par l’armée helvète. Le pistolet a été emporté par le tueur mais un petit morceau des plaquettes de la crosse, faites d’un matériau composite de couleur rouge appelé canevasite, a été retrouvé près de la BMW.
L'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie (IRCGN) est chargé là encore de détecter des ADN qui auraient échappé aux précédentes analyses.
Selon une méthode d’enquête désormais éprouvée, notamment dans les affaires criminelles non résolues, les éventuelles empreintes exploitables ont vocation à être adressées pour comparaison au FNAEG, le fichier national de empreintes génétiques, dans l’espoir d’un "hit" avec un ADN déjà répertorié.
Le fichier recense près de quatre millions d’empreintes génétiques, d’une part celles de mis en cause dans des crimes et délits dont la liste a été élargie à plusieurs reprises, d’autre part les ADN inconnus retrouvés sur des scènes de crime. La moindre correspondance pourrait ouvrir de nouvelles pistes.
"Évidemment la piste de l’ADN est celle qui s’impose si on veut espérer tirer un fil qui mène à l’auteur ou aux auteurs de cette tuerie", commente Me William Bourdon, l’avocat du frère du conducteur. "Il y a eu un développement exceptionnel des technologies de recherche d’ADN".
En janvier dernier, un cold-case datant de 2008, le meurtre d’une joggeuse de 45 ans retrouvée à moitié immergé dans le Loiret, Caroline Marcel, a été résolu grâce à un nouvel ADN isolé sur une clef et qui a "matché" avec un délinquant sexuel condamné dans une autre procédure et enregistré au FNAEG.
Depuis douze ans, les enquêteurs de la SR de Chambéry ont pourtant exploré des dizaines de pistes pour tenter de retrouver celui qui tenait le pistolet Luger P06-29, ce 5 septembre 2012, et qui a abattu quatre personnes, tenté d’achever une petite fille de 7 ans, et quitté le parking du Martinet dans un laps de temps incroyablement court : entre cinq et neuf minutes selon l’analyse générale des gendarmes. Soit le temps compris entre l'appel reçu par le cycliste de son ex-femme, appel terminé à 15h29, et l’arrivée du premier témoin sur les lieux. Les secours ont été appelés à 15h45.
Toute l’histoire de la famille al-Hilli, partie d'Irak pour rallier le Royaume-Uni dans les années 80, a été passée au tamis. Notamment un différend au sujet l’héritage de leur père entre Saad al-Hilli, le conducteur retrouvé mort aux côtés de son épouse et de sa belle-mère, et son frère Zaid al-Hilli. Aucun élément matériel n’a permis d’étayer cette hypothèse.
L’environnement professionnel de Saad, ingénieur spécialisé dans certaines technologies liées aux satellites, a été longuement interrogé pour débusquer une éventuelle affaire d’espionnage, sans plus de succès. L’ingénieur ne travaillait sur aucune donnée sensible.
L’étude du passé du cycliste Sylvain Mollier a bien mis en lumière un divorce et un conflit sentimental au début des années 2000, mais rien qui n’explique un meurtre ou une vengeance. Les différentes pistes locales d’anciens militaires, d’amateurs d’armes au profil fragile, ou de patients réguliers d’hôpitaux psychiatriques de la région n’ont, pour l’heure, abouti qu’à des impasses.
Alors qui ? La question hante les gendarmes et les juges d’instruction qui se sont succédé pour enquêter sur ce dossier depuis 2012. Les témoins principaux, un cycliste néo-zélandais arrivé sur le parking juste après la tuerie, et un motard passé juste avant dans le sens de la descente, ont été écartés de la liste des suspects par les différentes remises en situation, dont la dernière, cruciale, en 2021.
Unique certitude des enquêteurs : l’auteur est un professionnel du maniement des armes, ancien militaire ou civil ayant suivi une formation spécifique au tir rapproché. Son mobile, si tant qu’il y en ait un, reste un complet mystère.
Contactées par RTL, l’avocate la sœur et de la nièce du cycliste, Me Juliette Chapelle, et l’avocate de l’épouse, de l’ex-épouse et des enfants de Sylvain Mollier, Me Blanvillain, n’ont pas souhaité commenter ces informations.
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