Les spécialistes des tueurs en série l’appellent le "chiffre noir". Un terme qui désigne les victimes d’un sérial killer qui n’ont jamais été identifiées. Ils partent du principe qu’un tueur pathologique frappe régulièrement tant qu’il n’est pas entravé et qu’il est difficile de mettre à jour tous ses crimes.
C’est précisément pour tenter de
faire reculer ce "chiffre noir" que la justice française s’est
munie l’an dernier d’un nouvel instrument, le parcours criminel. Un cadre
procédural qui permet aux juges d’instruction d’enquêter non pas sur un fait
précis mais sur le parcours de vie d’un auteur déjà condamné pour un ou
plusieurs crimes afin de chercher des correspondances avec des affaires non
résolues.
D’après les informations de RTL, les juges du pôle national dédié
aux cold cases, actif depuis mars 2022 au sein du tribunal de
Nanterre, ont ouvert en décembre quatre nouvelles enquêtes de ce type, qui
s’ajoute aux trois déjà ouvertes avant l’été.
Ces enquêtes visent des criminels bien connus : Jacques Rançon, le "tueur de la gare de Perpignan", condamné deux fois à la perpétuité pour plusieurs meurtres et viols de jeunes femmes ; Patrick Trémeau le "violeur des parkings", auteur d’au moins 18 viols en région parisienne entre 1984 et 2009 ; Pascal Jardin, auteur du viol et du meurtre en 1996 d’une des disparues de l’A6, Christelle Blétry, tuée de 123 coups de couteau à l’âge de 20 ans ; et Pascal Lafolie, mis en examen l’an dernier pour le meurtre en 1994 de la lycéenne Nadège Desnoix, 17 ans, après notamment une condamnation pour viol en 2000.
Ces enquêtes ont été confiés à l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) de la Police judiciaire et aux enquêteurs de la Division des affaires non élucidées (Diane) de la gendarmerie.
Depuis quelques mois, ces policiers et gendarmes spécialisés enquêtent déjà sur Nordahl Lelandais, condamné à la perpétuité pour le meurtre en 2017 de Maelys Arojo, et à vingt ans pour celui du caporal Noyer. Mais également sur Patrice Allègre, condamné à la perpétuité en 2002 pour cinq meurtres et cinq viols, et sur Willy Van Coppernolle, condamné également en 1995 à la perpétuité pour le meurtre d’un adolescent et deux viols.
Sept parcours criminels sont donc désormais en cours, pilotées par les juges du pôle cold-case à compétence national de Nanterre.
Rançon, Jardin, Trémeau, Lafolie : pour ces quatre auteurs de crimes sordides les enquêteurs vont tracer une grande ligne de temps et la compléter le plus précisément possible avec tous les lieux de vie, emplois, véhicules, fréquentations, vacances, séjours à l’étrangers qu’ils vont pouvoir identifier ou reconstituer en dehors leurs séjours en prison.
Pour
chaque période de vie ainsi reconstituée, policiers et gendarmes vont tâcher
d’identifier les crimes non résolus commis dans la région et susceptibles de
correspondre non seulement en terme temporel et géographique mais également en
terme de mode opératoire et de "signature" psycho-criminelle.
Ils
pourront pour cela se faire transmettre les procédures de disparition meurtres
ou viols ouvertes dans les tribunaux concernés pour faire des rapprochements.
Si un soupçon solide émerge, le résultat sera alors communiqué par le pôle cold
case à la juridiction compétente afin d’ouvrir conduire l’enquête criminelle
classique.
Rien ne permet bien sûr d’affirmer que ces quatre hommes ont commis
d’autres crimes, mais l’objectif c’est de fermer des portes, et de ne pas passer
à côté de possibles correspondances quand un tueur en série a séjourné dans une
région ou un crime semble porter sa signature. Dans l’ombre, des dizaines de
familles de disparus ou de victimes attendent des réponses.
L'ancien cariste Jacques Rançon a lui-même évoqué lors d’interrogatoires une victime à qui il aurait "coupé les pieds" et qui ne correspond à aucun des dossiers criminels pour lesquels il a été condamné. Patrick Trémeau a commis au moins 18 viols, la justice s’interroge logiquement sur d’autres faits potentiels. Pascal Lafolie, confondu par son ADN dans le dossier Nadège Desnoix l’an dernier, a