Samedi 23 septembre 1995, le téléphone de Gilberte Crovisier sonne. C'est la mère de Donald Davila, le mari de sa fille Stéphanie. Elle est inquiète : son fils devait venir lui rendre visite avec ses deux petits enfants le mercredi d'avant mais il ne s'est pas présenté. Depuis, plus de nouvelles.
Gilberte n'a elle-même pas eu de lien avec sa fille depuis une semaine. Elle appelle coup sur coup, la gendarmerie et le commissariat de Melun, ville la plus proche de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne) où vivent Stéphanie, Donald et leurs deux enfants. Pas d'accident de la route ; sur place leur domicile est propre et rangé... Rien de suspect. "Le dimanche, tout ça va me travailler", se souvient Gilberte Crovisier dans Les Voix du crime.
D'autant plus qu'en discutant avec les amies de sa fille, elle se rend compte que Donald a déjà été violent. Elle pense immédiatement qu'il s'en est pris à Stéphanie et s'est enfui avec les enfants. Bien décidé à tirer tout ça au clair, elle se rend sur place dès le lundi.
Ils sont quand même pas partis pieds nus !
Gilberte Crovisier
À Melun, Gilberte appelle d'abord le collège où travaille Stéphanie. Eux non plus n'ont pas de nouvelles de sa fille, mais l'intendante lui parle d'un "grand black" qui fait du feu sur le terrain que la famille Davila occupe. Perplexe, la grand-mère se rend au commissariat où on l'oriente vers la préfecture de Seine-Saint-Denis où elle-même habite pour remplir "une recherche dans l'intérêt des familles".
"J'appelle à Bobigny et on me dit 'non ne vous déplacez pas, donnez-nous votre adresse, on vous envoie un formulaire et puis vous allez le remplir'. Donc c'est ce que je fais, je vais le recevoir et je vais leur renvoyer". Aujourd'hui encore, alors que l'affaire est terminée Gilberte attend une réponse. "Heureusement que la RIF n'existe plus, ça ne servait à rien", ironise-t-elle.
Face à ces échecs, Gilberte décide de se rendre sur place dans l'après-midi avec son fils Christophe, son compagnon de l'époque, sa nièce et le fils de celle-ci. Sur le terrain où la famille Davila avait élu domicile, tout paraît figé. "Une fois qu'on ferme la porte, je vais voir toutes les chaussures alignée sous la fenêtre, se souvient-elle. Mais ça m'a choqué ! Je vais avoir cette réflexion, je vais dire, 'mais ils sont quand même pas partis pieds nus !'" Dehors, le chat miaule à la mort. "S'il avait eu la parole, ce chat, je peux vous dire qu'on aurait tout su !"
Le même jour, Gilberte et sa famille décident de rendre visite à un ami de la famille Davila qui leur dit que l'homme présent sur le terrain est un certain Edgar Boulai. Vu son absence lors de leur première visite, toutes et tous décident de retourner à Vaux-le-Pénil. Là, Christophe le frère de Stéphanie voit de la lumière, court vers la maison et tombe nez à nez avec le fameux Edgar. Ce dernier lui raconte que Donald et sa famille sont partis. "Il dit qu'il a reçu les clés en mains propres de Donald et qu'il lui a dit 'Surtout toi, tu garde la maison jusqu'à temps qu'on revienne'', raconte Gilberte. Mais personne n'y croit.
Alors là c'est 'ouf, ma plainte est prise !'
Gilberte Crovisier
Les mois passent. Pas une nouvelle de la famille, pas d'enquête. Jusqu'au mois de juin 1996. Par hasard, Gilberte et son compagnon se rendent à Vaux-le-Pénil et s'aperçoivent que les voitures du couple ont disparu. Edgar Boulai s'en est débarrassé. C'est l'occasion de porter plainte, cette fois, pour vol. "Alors là, ma plainte, elle est prise. Alors là c'est... 'ouf, elle est prise !'" s'exclame Gilberte.
Il faudra encore un appel pour que tout se débloque : la mairie de Vaux-le-Pénil. Durant ce coup de fil, Gilberte apprend que la maison de ses enfants est surveillée par la police. "Il y a un îlotier qui surveille et la brigade des stups. Donc je raccroche et je vais appeler la brigade des stups de Melun", se souvient-elle. Et par hasard, une jeune lieutenant entend le nom de son gendre Donald. "Elle va aller en parler à sa supérieure, le commandant de police qui est sa cheffe."
Neuf mois après les premières alertes, l'enquête commence enfin. Des fouilles et des auditions sont organisées. En septembre 1996, les corps de la famille Davila sont retrouvés enterrés sur le terrain. Accusé du quadruple meurtre, Edgar Boulai est condamné à la prison à perpétuité et pourrait bientôt, au grand dam de Gilberte, être libéré.
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