Un énigme. Dans les première heures qui suivent le crash du vol EU9225 de la compagnie allemande Germanwings dans les Alpes, impossible de comprendre ce qui a conduit à la catastrophe.
"On n'était pas dans un cas, ni de problème météorologique - la météo était parfaitement favorable - ni technique - l'avion était en parfait état - et rien, aucun appel de détresse", se souvient Me Sophie Thonon-Wesfreid dans Les Voix du crime.
L'avocate représente les ayants-droits de passagers argentins décédés dans ce crash inédit qui, le 24 mars 2015, a coûté la vie à ses 144 voyageurs, 6 membres d'équipages.
Très vite ce dernier va concentrer toute l'attention de la presse et des enquêteurs. Sujet aux épisodes dépressifs graves, il avait caché à tout le monde le mal qui le rongeait. Jusqu'à son suicide aux manettes de cet avion reliant Barcelone à Düsseldorf.
À aucun moment personne, ni même dans sa hiérarchie, ne va noter un comportement alarmant
Me Sophie Thonon-Wesfreid
Déjà pendant ses études, Andreas Lubitz, passionné d'aviation, avait été diagnostiqué d'une dépression dont il était sorti guéri et sans séquelle. Un épisode qu'il n'avait pas caché à l'époque.
"Par contre, lorsqu'il fait une rechute à quelques mois du crash, là il va jouer la dissimulation à tout prix", rapporte Me Thonon-Wesfreid. "Il va non seulement cacher sa maladie précédente, sa dépression de 2008-2009 mais il va ensuite cacher sa profession".
Aux 41 médecins qu'il consulte Andreas Lubitz demande à ce que son dossier médical soit tenu secret. "De façon à ce qu'aucun praticien de santé ne puisse avoir une vision globale de son état mental, explique l'avocate. Et par ailleurs, devant sa famille, ses compagnons de travail, il va avoir les meilleurs rapports qui soient. À aucun moment personne, ni même dans sa hiérarchie ne va noter un comportement alarmant qui aurait pu mettre immédiatement la puce à l'oreille."
Mais en catimini, Andreas Lubitz s'adonne aux préparatifs. L'enquête montre que quelques jours avant le crash, le copilote s'est renseigné sur la sécurité des cockpits d'avion : depuis le 11 septembre 2001, ces derniers se verrouillent de l'intérieur pour éviter les intrusions. C'est ainsi qu'il élabore ses plans. "Et là, il va trouver les conditions idéales pour les mettre en œuvre lorsque le pilote part aux toilettes pendant une petite minute", raconte Me Sophie Thonon-Wesfreid.
On ne peut pas dire à un moment 'Ah oui, là, effectivement, il y a une défaillance'
Me Sophie Thonon-Wesfreid
"Lubitz savait parfaitement ce qu'il allait faire de ce point de vue-là, poursuit l'avocate. Il n'y a absolument aucun doute. Mais si vous voulez, on peut effectivement désirer se suicider, mais pas forcément provoquer en même temps la mort de 250 personnes."
Que s'est-il passé alors ? "Je pense qu'à ce moment-là, Lubitz a en quelque sorte 'oublié' tous les gens qui étaient avec lui, avance l'avocate. Il était dans un délire personnel, dans une espèce de tunnel, et les autres ont disparu de ses préoccupations, de son univers psychotique."
Médecins, famille, collègues... Tout le monde est pris de court. "Une récidive (d'épisode dépressif) est imprévisible, insiste Me Thonon-Wesfreid. D'autant plus, encore une fois, que Lubitz l'a dissimulée de manière très habile." L'avocate spécialiste des droits des personnes l'assure, la justice a eu beau chercher : personne ne peut être tenu responsable pénalement de cette catastrophe. "Ce qui apparaît de manière extrêmement claire, c'est que tout ce qui était formalités, examens, consignes, etc. ont été parfaitement respectés, insiste-t-elle. On ne peut pas dire à un moment 'Ah oui, là, effectivement, il y a une défaillance'."
Tenant compte des différents préjudices, la Lufthansa, maison-mère de la Germanwings, a indemnisé chaque ayant-droit de victimes à hauteur de 50.000 euros. Un complément leur a ensuite été versé. "Mais bien évidemment, conclut Me Thonon-Wesfreid, le chagrin des parents qui perdent un enfant ne trouvent jamais de consolation".
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