Affaire Rémy Roy : dans la tête du "tueur au Minitel rose"

Caroline Legendre se souviendra toujours de son "premier tueur en série". Il s'appelle Rémy Roy et, en 1993, l'année de leur rencontre, ils ont à peu près le même âge. Elle, est experte-psychologue auprès des tribunaux. Le juge d'instruction lui demande d'expertiser, avec son collègue Roland Coutanceau, celui qui est surnommé par la presse "le tueur au Minitel rose".

En presque deux ans, Rémy Roy, père de famille de 37 ans, a tué trois hommes gays en région parisienne. Un autre a survécu à ses blessures. Tous ont été contactés par la messagerie du Minitel rose. Ont-ils été victimes d'homophobie ? Pourquoi étaient-ils visés ? Sans véritablement répondre à ces questions, face à Caroline Legendre, Rémy Roy se confie.

"Je percevais chez lui la volonté de convaincre l'autre, d'entraîner l'adhésion de l'autre, la conviction totale de l'autre, plus encore qu'à ses paroles, à la totalité, à la globalité de son être, se rappelle dans Les Voix du crime la psychologue. Ça, c'était quelque chose de très perceptible dans ses paroles et même dans son attitude physique."

Rémy Roy prétend avoir été provoqué par ces hommes

Caroline Legendre

Les scènes de crime mettent en évidence des pratiques sexuelles violentes, pratiques desquelles, selon la victime qui a survécu, Rémy Roy était l'instigateur. Pourtant, le tueur se pose d'emblée comme victime de ces hommes. 

"S'il reconnaît les faits sur le plan pénal, il ne nie pas les avoir faits, il ne s'y reconnaît pas sur le plan psychique, explique Caroline Legendre. Il admet avoir été sur place et avoir frappé ses victimes, les avoir frappées violemment, mais il prétend avoir été provoqué par ces hommes, dont, nous dira-t-il, il ignorait les tendances sadomasochiques."

Face à la psychologue, Rémy Roy parle des violences sexuelles qu'il aurait lui-même subies. Caroline Legendre voit alors dans ses crimes une répétition traumatique : de victime, Rémy Roy est devenu auteur. "Le but inconscient de ce processus, c'est de maîtriser le traumatisme, explique-t-elle. Mais bien sûr, on est dans des processus inconscients."

Rémy Roy est beaucoup plus à même d'affronter et de se confronter à sa propre participation aux actes

Caroline Legendre

Les enquêteurs ne sont jamais parvenus à prouver les faits de violences sexuelles mentionnés par Rémy Roy. En détention provisoire à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), ce dernier a suivi une thérapie et s'est de nouveau confié à Caroline Legendre peu avant son procès, lors d'une seconde expertise. 

Il cite une dépression sévère comme étant un élément déclencheur de ses crimes et parle à nouveau de ses traumatismes, tout en ayant conscience de la sanction qui l'attend. "On sent qu'il a un bien meilleur accès aux émotions, et notamment lorsqu'il va révéler les traumatismes subis", insiste-t-elle. "Il est beaucoup plus à même d'affronter et de se confronter à sa propre participation aux actes, et du coup à sa position active d'auteur". 

En 1996, Rémy Roy est condamné à la prison à perpétuité. Depuis, Caroline Legendre s'est spécialisée dans le suivi thérapeutique des hommes auteurs de violences. En 2023, elle a co-écrit sur le sujet le livre Ces hommes parmi nous (Détour, 2023).

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