"Je m'en prendrais à ton mioche". Tels étaient les mots glaçants du corbeau, un an et demi avant qu'il ne mette sa menace à exécution. Le 16 octobre 1984, le petit Grégory est retrouvé mort dans l'eau glaciale près du barrage de la commune de Docelles (Vosges), les mains et pieds liés. La vengeance du corbeau était faite.
De 1981 à 1984, le corbeau viendra troubler le quotidien de la famille Villemin. Appels menaçants semés d'injures, de calomnies et d'incitations au suicide, il attise la discorde auprès des grands-parents de Grégory et de ses parents. À l'époque, Jean-Marie Villemin vient d'être nommé contremaître, une ascension sociale qui dérange. Des dizaines de lettres témoignent qu'une jalousie noire hante ce tortionnaire anonyme.
Pour connaitre son identité, tout est conservé. Ses poèmes empoisonnés, ses coups de fils sont enregistrés pour décrypter cette voix macabre. Tout est recoupé, analysé, décrypté mais cet être démoniaque reste un spectre énigmatique.
"C'est une énigme", confesse François Saint-Pierre, avocat des époux Villemin, interviewé dans L'heure du crime sur RTL. À l'époque, l'affaire devient médiatique, attisant passion et curiosité tant les rebondissements de l'enquête nourrissent le mystère autour de cet infanticide tragique.
François Saint-Pierre poursuit : "Il a fallu que du temps passe pour que dans les années 1990, le juge Simon, qui présidait la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dijon devant laquelle l'affaire avait été envoyée, reprenne sereinement les choses. Qu'il reconstruise l'affaire, aboutisse à une intuition remarquable que le crime n'était pas l'œuvre d'une personne unique mais vraisemblablement de plusieurs personnes".
Ce que l'on sait du corbeau, c'est qu'il est extrêmement bien renseigné. Parmi les ordures déversées au cabinet et sur papier, il y a les secrets et déceptions de la famille Villemin. Pas de doutes, le corbeau est un intime du clan, un membre de cette famille disloquée. Tous vivent à proximité des uns des autres, dans un rayon de 20 kilomètres. Tous autant victimes que suspects. Comment démêler le vrai du faux dans cette famille où tout se sait et tout se tait ?
"Ce qui est certain c'est que dans le groupe du corbeau, il y a deux voix qui reviennent régulièrement. Déjà la fameuse voix rauque, donc celle d'une voix d'homme avec un accent du terroir et puis la voix d'une femme, explique Thibaut Solano, journaliste à Marianne et auteur du livre La Voix Rauque à RTL.
Et d'ajouter : "Il semblerait que ces deux-là se soient répartis les appels. Il n'y a qu'une seule personne qui a entendu simultanément les deux voix lors du même appel, c'est Jean-Marie Villemin en 1983. Donc on peut penser qu'il y a au moins un duo de corbeaux complices. Aujourd'hui, on ne sait pas s'ils sont plus que deux".
L'enquête ouverte depuis 38 ans est à l'approche de nouvelles perspectives. Actuellement, l'expertise ADN en parentèle est exercée sur 9 profils suspects, isolés grâce aux performances technologiques modernes. Une chance peut être de lever le voile sur l'identité du ou des corbeau(x).
- Marie-Christine Chastand Morrand, avocate des époux Villemin, parents de Grégory.
- François Saint-Pierre, avocat des époux Villemin, parents de Grégory.
- Thibaut Solano, journaliste à Marianne et
auteur de La Voix Rauque, éditions Les Arènes.