Le président Recep Tayyip Erdogan a ouvert, jeudi 26
décembre, la voie à une intervention militaire turque directe en Libye :
il a annoncé le prochain vote au Parlement sur l'envoi de troupes pour soutenir
le gouvernement de Tripoli face à l'homme fort de l'est libyen, Khalifa Haftar.
Pour justifier une telle intervention, la Turquie fait
valoir que le gouvernement d'union nationale libyen (GNA), qu'il soutient
militairement, est reconnu par l'ONU alors que le maréchal Haftar n'a aucune
légitimité internationale bien qu'il bénéficie de l'aide de certains pays. "Nous soutiendrons par tous les moyens le
gouvernement de Tripoli, qui résiste contre un général putschiste soutenu par
des pays arabes et européens", a-t-il déclaré.
"Nous allons présenter la motion pour l'envoi de
soldats en Libye dès la reprise des travaux du Parlement", le 7 janvier, a
déclaré le président turc qui espère la faire adopter le 8 ou le 9 janvier pour
"répondre ainsi favorablement à l'invitation du gouvernement libyen
légitime", de l'aider militairement.
Le Parlement turc a déjà approuvé samedi 21 décembre un
accord de coopération militaire et sécuritaire signé avec le GNA le 27 novembre
lors d'une visite à Istanbul de son chef Fayez al-Sarraj. Cet accord est entré
en vigueur ce jeudi après sa publication par le journal officiel.
Celui-ci permet aux deux parties d'envoyer dans l'un
et l'autre pays du personnel militaire et policier pour des missions
d'entraînement et d'éducation. Pour obtenir l'autorisation de déployer des
forces combattantes en Libye, Ankara doit faire approuver par le parlement un
mandat séparé, comme il le fait tous les ans pour envoyer des militaires en
Irak et en Syrie.
Un déploiement de soldats turcs sur le terrain est susceptible d'aggraver le conflit fratricide, alimenté par des puissances régionales rivales, qui déchire le pays depuis la chute du régime de Mouammer Kadhafi en 2011.
Le gouvernement turc avait aussi signé, lors de la visite de Fayez al-Sarraj, l'accord de délimitation maritime qu'il entend mettre à profit pour s'imposer comme acteur incontournable dans l'exploitation des hydrocarbures en Méditerranée orientale.
Il permet à Ankara de faire valoir des droits sur des vastes zones en Méditerranée orientale riches en hydrocarbures, au grand dam de la Grèce, de l'Égypte, de Chypre et d'Israël. "L'objectif de l'accord signé
avec la Libye n'est pas d'entraver les droits de quiconque en Méditerranée, au
contraire, c'est d'empêcher que nos droits le soient", a affirmé le
président turc.
Le maréchal Haftar est soutenu par l'Arabie saoudite,
l'Égypte et les Émirats arabes unis, tous étant des rivaux régionaux de la
Turquie et d'un autre allié du GNA, le Qatar. "Ils soutiennent un chef de
guerre. Quant à nous, nous répondons à l'invitation du gouvernement libyen
légitime, telle est notre différence", a affirmé Recep Tayyip Erdogan.
Ce dernier affirme que les forces de Haftar
bénéficient aussi du soutien d'une compagnie de sécurité russe. Interrogé sur
les projets d'Ankara d'envoyer des troupes en Libye, le porte-parole du
Kremlin, Dmitri Peskov a estimé qu'il était "peu probable que l'ingérence
des pays tiers dans cette situation puisse contribuer au règlement".
"Mais toute tentative des pays tiers de
contribuer directement à régler le problème et d'aider les parties du conflit à
trouver une solution est toujours la bienvenue", a-t-il ajouté. Selon le
think tank Edam, basé à Istanbul, un déploiement militaire turc sur le terrain
devrait consister de "forces spéciales" et des "personnels de
combats hautement qualifiés" ainsi que des officiers de renseignement et
de liaison.