Entre 30 et 120 secondes. Voilà le temps nécessaire pour qu’apparaissent les premiers symptômes d'un empoisonnement au Novitchok. Vomissements, faiblesse musculaire, paralysie, convulsions, rythme cardiaque au ralenti, voies respiratoires obstruées puis mort par asphyxie en seulement quelques minutes. Assassin invisible et diabolique, ce poison mortel a bien failli emporter Alexeï Navalny, le 20 août 2020.
A ce moment-là, le leader de l'opposition à Vladimir Poutine en Russie rentre en avion d'une tournée électorale. Après un atterrissage d'urgence, un premier constat de son état de santé, est établi par les médecins russes : un simple "déséquilibre glucidique". Mais les analyses poussées de trois autres laboratoires européens, elles, sont sans appel : l’opposant a bien été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok. Ce poison a été conçu secrètement par l'URSS dans les dernières décennies de la Guerre froide.
Après plusieurs jours dans le coma, Alexeï Navalny livre sa version des faits et dirige directement ses accusations vers le pouvoir de Vladimir Poutine. Selon lui, le gouvernement russe est à l'origine de son empoisonnement. Une thèse soutenue notamment par Washington. "Le Novitchok n'est pas un produit disponible pour les petits chimistes, explique dans Jour J Morvan Lallouet, doctorant en sciences politiques. "Il est particulièrement dangereux à manipuler. Tout laisse penser qu'une telle opération n'a pu être décidée que par le haut niveau de l'Etat russe".
L'empoisonnement d'Alexeï Navalny en 2020 montre une nouvelle fois la capacité de frappe de la Russie pour faire taire ceux qui dérangent. Au point de penser que le gouvernement de Poutine entreprend depuis des années un véritable travail de recherche sur les armes chimiques. "Ça a été révélé. Il existe, au sein du FSB, des laboratoires et un programme de poisons et d’armes chimiques utilisé contre les opposants politiques", continue Morvan Lallouet.
Car si la méthode paraît pour le moins radicale, elle est pourtant courante chez les services russes. "Ce n'est pas la première fois qu'on a affaire à des empoisonnements dans la vie politique russe, poursuit l'invité de Flavie Flament. Les cas les plus médiatisés touchaient en majorité des espions jusque-là, qui avaient fait défection de Russie jusqu'en Occident".
Parmi eux, on se souvient notamment d'Alexander Litvinenko, ancien lanceur d'alerte russe ayant fui le pays, et tué d'un empoisonnement au polonium en 2006, une substance radioactive très rare et très difficile à détecter. Une enquête révèle qu'il a probablement été tué dans une opération spéciale du FSB à l'époque. Il en va de même pour Sergueï et Loulia Skripal. L'ancien agent des services militair