C'est l’une des facettes les plus terribles de la guerre que mène Moscou contre son voisin : le sort de milliers d'enfants, arrachés à leurs familles, déportés sur le sol russe pour ensuite être adoptés.
Ces familles, interrogée par RTL, racontent toujours la même histoire, le même scénario : la veille des vacances scolaires, leurs enfants ont été envoyés en colonie de vacances pour deux semaines en Crimée et ne sont jamais revenus.
Svitlana vit avec sa fille Katya âgée de 14 ans à Kherson dans le Sud de l’Ukraine. En octobre 2022, la ville est sous le contrôle des forces russes. Dès le début de l'occupation, cette mère de famille a mis à l’abri son enfant dans sa famille.
"Les militaires faisaient du porte-à-porte dans les appartements. Ils disaient que c'était bientôt les vacances scolaires, que les enfants devaient se reposer, que cela leur ferait du bien. J’ai appelé ma mère et je lui ai demandé, comment va Katya ? Elle m'a répondu 'tu ne peux pas imaginer ils étaient armés de mitraillettes. Elle a été envoyée en Crimée'", explique-t-elle, jointe par RTL.
Il ne s’agit pas de cas extrêmement violents, par exemple des enfants enlevés après l’assassinat, la mort ou l’arrestation d’un parent. Ils ont été victimes d’une méthode plus insidieuse, consistant, par le biais du système scolaire, à inviter ces enfants en colonie de vacances, dans des camps, en particulier en Crimée, puis à ne pas les rendre à leurs familles.
Ainsi, le 7 octobre dans la nuit, Katya et des dizaines d'autres enfants sont emmenés à Yepatoria, à l'Ouest de la Crimée pour des vacances au bord de la mer. Certains parents ont confié volontairement leurs enfants, convaincus par les nouvelles autorités locales qu'ils seront à l'abri des bombardements.
Mais le séjour est prolongé à plusieurs reprises sur ordre de l'administration militaire pour cause de combats. La mère de famille réalise alors qu’il s’agit d’un voyage sans retour.
On était obligé de chanter l’hymne russe
"Je l’ai compris quand les Russes ont commencé à fuir la ville de Kherson. Je me suis dit que quelque chose n'allait pas. J'ai appelé Katya au téléphone pour lui demander : Quand est-ce que vous allez rentrer ? Ma fille m'a dit 'Maman, à mon avis, on va rester ici longtemps'. J'ai ressenti une profonde colère, de la rage. Je me disais, mon enfant est parti, comment c’est possible ?"
Lorsque les connexions Internet le permettent, la mère et la fille échangent par téléphone des SMS ou des messages vidéos. Pendant près de 6 mois, Katya raconte que la colonie de vacances est en réalité un camp de rééducation avec ses humiliations quotidiennes.
"Le premier jour, Valéry, le responsable de la sécurité, nous a dit que tous les Ukrainiens étaient des fumiers, des sous-hommes. On était obligé de chanter l’hymne russe pendant que l'on faisait du sport, confie-t-elle. Ceux qui se comportaient mal étaient placés dans des cellules à l'isolement : c’était comme une infirmerie scolaire. On nous enfermait à clef, on nous confisquait nos téléphones et certains y sont restés plusieurs semaines. Ils nous disaient souvent que nos parents ne viendront pas nous chercher et que l'on sera envoyé en Russie pour être mis dans un orphelinat".
Désespérée, la mère de Katya décide alors d’aller la rechercher jusqu'en Russie, en territoire ennemi. C’est grâce à l’ONG "Save Ukraine" que Svitlana a pu prouver l’identité de sa fille et récupérer son enfant. Cette ONG ukrainienne est la seule, à avoir réussi, ces dernières semaines, à mettre sur pied des voyages de rapatriement. Elle décrit son périple de plus de 3.500 kilomètres en contournant les lignes de front.
"On est allé de Mykolaïv à Kiev, puis on a rejoint la Pologne avant d’entrer en Biélorussie. C'est là que les problèmes ont commencé. Les douaniers ont pris nos téléphones pour faire des vérifications. On avait supprimé tout ce qui était compromettant. Ils nous posaient plein de questions. Que pensez-vous de l’opération spéciale militaire ? Une fois arrivé au camp, ils nous ont rendu les enfants. Ils sortaient un par un. J'ai ressenti de la joie, je me suis mise à pleurer, je ne pouvais plus parler", se rappelle-t-elle.
Aujourd’hui, Svitlana est persuadée que le président russe Vladimir Poutine est responsable de ces déportations. "Je pense que les Russes font cela pour montrer que même les enfants ukrainiens sont pour la Russie : "Regardez-les", comme ils vivaient mal en Ukraine et comme ils vivent si bien ici maintenant ! Franchement, qui peut faire ça ? Comment peut-on aller enlever un enfant chez sa mère ? Vladimir Poutine est un monstre". Svitlana sait qu'elle a eu de la chance de revoir sa fille.
Plus de 16.000 enfants resteraient déportés en Russie, selon les autorités de Kiev depuis le début de la guerre. Et seulement 300 d'entre eux ont pu revenir chez eux.
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