L’affaire fait grand bruit dans la finance new-yorkaise. Goldman Sachs, c’est ce qu’on appelle une banque d'affaires, c'est-à-dire que la société vend des services financiers aux entreprises. Elle les conseille pour effectuer des fusions, pour entrer en bourse, pour monter des financements. Et c’est l’aristocratie du secteur, au point que bon nombre des dirigeants de la firme sont entrés au gouvernement américain. Même en Europe, l’actuel premier ministre italien, Mario Draghi, a lui-même été vice-président de Goldman Sachs.
La pratique de ces institutions privées, c’est de travailler énormément, car le client est roi. Il paye cher pour alimenter les milliards de bénéfices de la banque, il a droit au meilleur service, il ne doit pas attendre. Les jeunes qui sont recrutés chaque année, sortent généralement des meilleures universités américaines, sont donc soumis à un régime très dur.
Ils préparent les dossiers pour les seniors, ceux qui traitent directement avec les clients. En rédigeant des notes, en cherchant de la documentation, en étant un peu les larbins de bureau. Et voilà que certaines de ces jeunes recrues new-yorkaises ont révélé leurs conditions de travail. À la question : combien d’heures avez-vous travaillé cette semaine, ils répondent : 105 heures. Combien de temps dormez-vous en moyenne ? 5 heures. À quelle heure vous couchez-vous ? 3 heures du matin. Avez-vous été victime de harcèlement professionnel : oui à 77%. Vous fixe-t-on des objectifs irréalistes ? Oui, à 100%.
C’est une sorte d’exploitation, avec de très bons salaires. Un jeune gagne vite 100.000 dollars par an, ça fait 7.000 euros par mois, et après ça peut progresser très vite et très fort. C’est en réalité le télétravail qui a déclenché cette fronde, parce que la frontière entre vie pro et vie privée se brouille, et rend la pression encore plus dure à supporter. Et surtout, c’est symptomatique d’une nouvelle génération, les moins de 30 ans, qui ne veulent pas laisser leur peau au bureau. Laisser leur peau, c’est à peine exagéré, il y a quelques années, un stagiaire de Bank of America est mort d’une crise d’épilepsie probablement liée au stress.
David Salomon, le patron de la banque, a prodigué quelques paroles consolatrices, tout en réaffirmant le message-clé : il faut se défoncer pour le client. Et il a annoncé que désormais on tâcherait de respecter l’interdiction de travail le samedi. Les jeunes banquiers n’étaient pas trop gourmands, ils demandaient juste la semaine de 80 heures maximum !
Les pratiques bougent quand même à Wall Street. La nouvelle patronne d’une très grande banque, Citi, envisage d’interdire les réunions vidéo le vendredi, et exhorte ses salariés à prendre des vacances. Une autre banque d’affaires, Jeffreys, vient de dépenser plusieurs millions pour offrir à ses équipes un miroir magique qui permet de faire du sport avec coach, chez soi ! Bon, on n’est pas encore aux 35 heures, il faudrait que Goldman Sachs recrute Martine Aubry comme conseiller spécial.
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