ÉDITO - Mercosur : "L'Europe ne peut plus rêver au monde d’hier", estime François Lenglet

Arrêtons, les Européens, d'être les dindons de la farce. Le Mercosur, ce traité de commerce, est un contretemps magistral. L’Europe se trompe de siècle, en voulant poursuivre et conclure les grandes négociations commerciales du monde d’avant. Les négociations du traité Mercosur, qui ambitionne de faciliter les échanges entre l’Europe et l’Amérique du Sud, ont débuté en 1999, c’était une tout autre époque.

Il y a 25 ans, nous étions dans un monde en paix, le commerce international était facile, et sans aucun risque, parce que la planète était dominée par les États-Unis. Les échanges internationaux progressaient alors deux fois plus vite que la croissance économique. Aujourd’hui, ces échanges progressent deux fois moins vite que l’activité.

Ce ralentissement du commerce mondial a eu lieu parce que la situation géopolitique a été bouleversée. Là où il y avait l’hyperpuissance américaine, nous sommes aujourd’hui dans la confrontation des grandes puissances. États-Unis, mais aussi Chine, Russie, Iran, etc. Nous avons retrouvé un état du monde instable, après une parenthèse paisible, comme il en arrive une par siècle, de 30 ans, entre la chute du Mur, en 1989, et la guerre d’Ukraine, en 2022.

Un monde désarticulé

Les échanges suivent désormais les fractures géopolitiques de ce monde désarticulé. Le commerce se régionalise, il y a un découplage entre l’occident élargi, c'est-à-dire les États-Unis et leurs alliés, et le reste du monde. "The West and The Rest", comme dit l’historien Niall Ferguson, ce qui signifie "L’ouest et le reste". 

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Cela va s’accentuer avec l’arrivée de Trump au pouvoir. La confrontation avec la Chine et ses alliés va se durcir et au sein de l’ouest lui-même des tensions sont à prévoir. Il est tout à fait possible qu’on entre dans une vague de protectionnisme mondial, tout aussi marquée que l’avait été la vague de libre-échange mondial, il y a 30 ans. L’Europe doit s’y préparer.

Que peut faire l'Europe ?

L'Europe ne peut plus rêver au monde d’hier, le monde sans frontières, dirigé par des arbitres internationaux comme l’ONU et l’Organisation mondiale du commerce, des arbitres que nous contrôlions largement. Ce monde-là a disparu pour longtemps. Aujourd’hui, débute le sommet du G20 au Brésil, bon nombre de pays participants ne veulent plus de l’ordre d’inspiration occidentale et libérale.

Nous vivons désormais dans un monde de "méchants", c’est pourquoi il faut protéger notre agriculture et, de façon plus large, notre économie et nos technologies, et ne pas laisser entrer les produits qui ne respectent pas nos normes de production, comme ce que prévoit l’accord Mercosur. Il faut nous défendre, cela signifie défendre nos frontières commerciales et améliorer la compétitivité pour fabriquer en Europe.