Le MEDEF organise ses universités à partir de ce mercredi 26 août avec Jean Castex en ouverture et les patrons attendent un soutien sans faille. Et ils l'auront, comme à chaque fois.
Déjà en 2014, Emmanuel Valls, fraîchement nommé à Matignon faisait sa profession de foi aux universités du MEDEF : "Et moi, j'aime l'entreprise", disait-il. C'était le tournant pro-business du quinquennat Hollande avec le Crédit d'Impôts Compétitivité Emploi, le CICE.
En 2014, le Premier ministre aimait l'entreprise. En 2020, Jean Castex dira la même chose.
Sauf que le contexte a changé et que la crise oblige le gouvernement à soutenir massivement les entreprises, cette fois. Les patrons sont un peu déçus d'ailleurs car ils espéraient ouvrir le rendez-vous en connaissant le plan de relance. Il faudra attendre un peu même si Jean Castex viendra avec des annonces.
Quoi qu'il en soit, les patrons ont un gouvernement à l'écoute des entreprises depuis l'élection d'Emmanuel Macron, ils en ont conscience. Il savent aussi que les 460 milliards injectés depuis mars les ont maintenu à flot : les exonérations de charges, les plans de soutien aux filières, les mesures de financement du chômage partiel.
L'économie française traverse un moment charnière un peu paradoxal pour les patrons et pour le gouvernement. Les patrons sont pris entre Darwin et Kafka. Darwin parce qu'on voit bien que les entreprises en difficulté, celles qui se placent en redressement judiciaire depuis le confinement, étaient souvent des entreprises déjà malades, ou des secteurs qui avaient besoin de se réinventer comme la filière automobile, le tourisme, par exemple.
Donc la Covid-19 précipite le changement voire la sélection naturelle et les chefs d'entreprises y sont plutôt favorables.
Et puis, il y a Kafka, c'est-à-dire qu'aujourd'hui les patrons sont ultra-dépendants des aides d'État. D'une part, c'est assez contraire à la vision libérale de l'entrepreneur de dépendre des aides publiques. Et puis, il y a le risque d'une rechute de l'activité en cette rentrée qui ressort des enquêtes sur le moral des chefs d'entreprises. Le masque obligatoire en entreprise qui fait perdre en rentabilité, la désorganisation.
Mais surtout, il y a une petite musique depuis quelques jours où l'on comprend que les patrons ont peur du moment où il va falloir rembourser les prêts garantis, verser les charges sociales sur les salaires.
J'ai rencontré des responsables de filières dans le bâtiment ou l'automobile qui ont même peur de voir leur activité repartir trop vite car ils risqueraient de ne plus bénéficier des aides d'État. Et ça, c'est très pervers.
Résultat, les patrons n'ont pas forcément les moyens pour l'instant. Il y a un duel entre le temps long et l'urgence du quotidien. Le plan de relance est une chance de changer de modèle de production, d'aller vers une industrie plus verte. Sans la Covid-19, on n'aurait jamais eu les milliards qui vont être débloqués.
Ce plan doit dessiner l'économie du siècle qui vient, mais il faut que les entreprises soient encore debout. C'est pour ça qu'on commence à expliquer que les prêts garantis de l'État seront sans doute prolongés avec des prêts relais à des taux d'intérêt assez bas entre 1 et 3%, a dit Bruno Le Maire.
Mais attention, il faut que les milliards engagés permettent la transition vers la nouvelle économie et ne servent pas qu'à sauver les vieux emplois. Car le gouvernement aussi va avoir un problème de temps court. 2022 va arriver très vite.
C'est très compliqué pour les compagnies aériennes, on le sait. Américan Airlines a indiqué qu'elle risquait de supprimer 19.000 postes à partir du 1er octobre. Les compagnies aériennes américaines ont déjà obtenu une aide de 25 milliards en s'engageant à ne pas licencier jusqu'au 30 septembre. Et bien, le 1er octobre, c'est après le 30 septembre et American Airlines demande une rallonge pour garder ses effectifs.