Climat : Jean-Marc Jancovici explique pourquoi la compensation est contre-productive pour réduire l'empreinte carbone

On sait aujourd'hui que les entreprises doivent impérativement réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais peuvent-elles le faire seules ? La compensation est la solution en vogue. C'est une opération à laquelle beaucoup de Français ont peut-être déjà été confrontés sans le savoir, en achetant un billet d'avion. La compagnie aérienne vous propose de rajouter quelques euros en plus du prix du billet, pour qu'en échange elle puisse par exemple planter des arbres, pour faire en sorte que les émissions du trajet aérien soient compensées.

La compensation consiste donc à passer un coup de balayette sur l'empreinte carbone, en finançant un projet écologique qui va l'"effacer". Ainsi, beaucoup d'entreprises affirment avoir baissé leurs émissions de gaz, mais ont en réalité acheté des crédits qui correspondent à des réductions faites chez les autres, voire à une moindre augmentation des émissions chez les autres. 

Et cela pose un énorme problème, car lorsque l'on fait une empreinte carbone, ce qu'on regarde, ce sont les émissions qui résultent des processus nécessaires à une entreprise : exploitation et acheminement des matières premières, chauffage, accès des clients en voiture... L'entreprise dépend de beaucoup d'éléments polluants pour fonctionner. Et il est important que les entreprises qui souhaitent réduire leur empreinte comprennent ces liens de dépendance et ce qu'ils peuvent devenir dans un monde où tout le monde baisse ses émissions.

Or, acheter des crédits à l'extérieur de ce circuit ne change strictement rien à la dépendance de l'entreprise émettrice à ses clients et ses fournisseurs. La compensation n'est donc qu'un "cache-sexe", et ne correspond pas à un changement qui permet de fonctionner dans un monde moins carboné.

Pourquoi la compensation est-elle acceptée ?

L'organisme de référence pour les entreprises dans le monde, le Science Bay Stargate Initiative, enregistre les déclarations d'environ 4.000 entreprises, qui se sont engagées à baisser leurs émissions à la bonne vitesse. La première vague d'engagements a eu lieu il y a quelques années, et les résultats sont attendus pour 2026. Mais on va se rendre compte que l'on n'y est pas du tout. Car baisser les émissions, c'est s'affranchir de toutes les machines qui concernent les énergies fossiles, et c'est d'autant plus complexe que la vitesse à laquelle il faudrait le faire, pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, il faudrait baisser les émissions de 5% par an. Un rythme effréné, que beaucoup d'entreprises sont incapables de tenir. Elles ont donc fait pression pour que la compensation soit un mode accepté de baisse de son empreinte carbone.