Elle fend la foule rassemblée devant le tribunal de grande instance de Paris, aux cris du slogan "Pas de justice, pas de paix". Le 2 juin 2020, Assa Traoré a réussi l'exploit de réunir des milliers de personnes en pleine crise sanitaire pour protester contre les violences policières. Depuis quatre ans, elle se bat pour obtenir la vérité au sujet de la mort de son frère Adama, jeune homme noir décédé lors d'une intervention de police le 19 juillet 2016.
Son combat a pris un tournant au printemps. La mort de George Floyd survenue aux États-Unis dans des circonstances comparables à celle d'Adama Traoré, réveille les consciences en France. La vidéo tourne en boucle sur les réseaux sociaux et dans les médias, choquant l'opinion publique de part et d'autres de l'Atlantique.
Au même moment, une expertise vient de nouveau innocenter les gendarmes accusés d'avoir tué Adama Traoré, arguant qu'il souffrait d'une maladie cardio-vasculaire. Impossible selon Assa Traoré qui appelle à manifester.
Nous sommes les victimes, n'inversons pas les rôles
Assa Traoré
La mobilisation est un succès : 20.000 personnes masquées se rassemblent devant le tribunal de grande instance de Paris. Un tour de force renouvelé dix jours plus tard : le 13 juin, sur la place de la République, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent nassées lors d'un rassemblement, interdites de se déplacer par le préfet Didier Lallement.
"Nous sommes les victimes, n'inversons pas les rôles. Nous demandons à ce que toutes les techniques d'interventions mortelles soient interdites", clame Assa Traoré sur la place. Dans toute la France, le mouvement s'étend, reprenant le slogan antiraciste venu des États-Unis : "Black Lives Matter", "La vie des Noir-e-s compte".
En France, Assa Traoré est loin de faire l'unanimité mais à l'étranger, son aura grandit. Son combat contre les violences policières et le racisme attire l'œil des médias internationaux. Le 28 juin, la jeune femme reçoit le prix BET Global Good. Une récompense remise aux personnalités noires ou issues de minorités pour leur combat contre le racisme et les inégalités. "C'est une reconnaissance pour toutes les victimes, pour toutes les familles qui ne cessent de lutter pour la vérité et la justice", déclare-t-elle dans un message vidéo diffusé à l'occasion de la cérémonie virtuelle de remise de prix.
Plus encore, en décembre, TIME l'érige en "gardienne de l'année". Assa Traoré fait la une du célèbre magazine américain. "C'est un honneur que me fait le TIME, une consécration pour le combat que l'on mène depuis la mort de mon petit frère", réagit-elle. "Quand on voit que la France a réduit notre combat à des insultes et des accusations, on a besoin qu'une consécration vienne de l'étranger".