5 min de lecture

Jul, SCH… L'auteur d'un livre-enquête décrit sur M6 comment des rappeurs sont menacés par le grand banditisme

Paul Deutschmann, co-auteur du livre-enquête, revient sur les deux ans et demi de travail dans le 20.10 d'Anne-Sophie Lapix.

Paul Deutschmann Anne-Sophie Lapix

Crédit : M6

Menaces d'extorsion, tentatives d'assassinats... Un livre-enquête dévoile le face sombre du rap français

00:10:02

INÉDIT - "L'empire" : le coauteur Paul Deutschmann raconte les coulisses de son enquête sur le rap français

00:04:45

Anne-Sophie Lapix - édité par Laurène Rocheteau

Je m'abonne à la newsletter « Infos »

Un livre qui expose des liaisons dangereuses. Paul Deutschmann, co-auteur de L'empire, un livre-enquête au cœur du rap français, revient dans le 20.10 d'Anne-Sophie Lapix sur M6 sur les deux ans et demi de travail qui ont été nécessaires à la réalisation de cet ouvrage. Plus de 200 entretiens, des milliers de documents confidentiels, des procédures judiciaires... 

Le livre, publié aux éditions Flammarion, démontre notamment comment certains rappeurs se sont retrouvés piégés dans les filets du grand banditisme. Le milieu de la musique peut rapidement devenir très sombre lorsque se mêlent jeux d'influence et pressions financières. Autant d'éléments racontés dans L'empire, pour lequel Paul Deutschmann et ses co-auteurs, Simon Piel et Joan Tilouine, ont respecté une règle d'or : garder l'anonymat de leurs interlocuteurs. 

Un avant, et un après SCH

Si ce livre est aujourd'hui le résultat de deux ans et demi d'enquête, l'affaire SCH a marqué un véritable tournant dans le travail de ses auteurs. Beaucoup ont encore en tête la fusillade mortelle qui a visé l'entourage du rappeur marseillais à l'été 2025. 

"On se rend compte que les rappeurs sont devenus la cible d'équipes quasiment militaires. Et on voit que dans l'industrie aussi, tout le monde est sidéré. Parce que tout le monde se dit que ça aurait pu être, finalement, quelqu'un de cette industrie qui aurait pu être visé", raconte Paul Deutschmann face à Anne-Sophie Lapix. 

À écouter

Ce qu'il faut savoir sur la cellule "anti-corruption", mise en place par le procureur de Marseille

00:01:36

Pour les enquêteurs à l'époque, le mode opératoire de cette fusillade semble se rapprocher de celui des "règlements de comptes" entre trafiquants et stupéfiants marseillais. Le procureur de la République de Marseille avait par la suite annoncé que le rappeur avait fait l'objet de menaces de mort plusieurs mois avant les faits. Cette attaque portait alors la marque de la DZ Mafia, un "clan" du grand banditisme étendu bien au-delà de Marseille, et qui n'hésite pas à recruter des tueurs à gages. 

Certains rappeurs sont parfois impliqués eux-mêmes dans des affaires criminelles, comme Koba LaD, mis en examen après avoir été soupçonné d'avoir participé à la cavale de Mohammed Amra.

Une motivation financière

Le livre explique les relations de pouvoir (et d'argent) entre les rappeurs et l'industrie musicale. Il évoque notamment le cas de Jul, qui à ses débuts a travaillé avec un label des quartiers nord de Marseille. Il collabore avec deux frères, ainsi que Karim, avec qui il entretient une relation assez sincère. Mais ce dernier se fait tuer, et la relation de Jul avec les deux frères de son labl devient assez compliquée.

S'ensuit alors une cission, à partir de laquelle Jul raconte avoir dû se cacher dans une cabane afin d'enregistrer son album My World, qui est à ce jour son plus gros succès en termes de vente. Le rappeur marseillais a également dû céder les droits de ses premiers albums, sur lesquels il a touché une part en tant qu'artiste, mais dont il n'est pas officiellement propriétaire. 

À écouter

"Jul a dû se cacher pour enregistrer 'My World'" : la face sombre du rap français dévoilée dans le livre-enquête "L'Empire"

00:09:46

Le livre évoque aussi le cas de tranfiquants condamnés à la prison qui, exilés, s'improvisent producteurs. C'est notamment le cas d'un ancien producteur du rappeur Werenoi. On voit alors une légalisation de l'activité de certaines figures connues pour leurs actes illicites. "Pas nécessairement blanchir, mais plutôt toucher de l'argent légal. On a des acteurs de l'illégal qui vont opérer une branche légale. Et c'est en effet le cas de certains narcoproducteurs qui vont pouvoir cumuler ces deux facettes d'une économie à la fois légale et illégale", explique Paul Deutschmann.

"Une forme d'impunité"

Dans le monde du rap, "les intérêts de pouvoir signer" un artiste sont parfois tels "qu'on est prêt à faire certains compromis et des compromissions", explique Paul Deutschmann. Y compris fermer les yeux sur les agissements de certains producteurs et figures du milieu qui franchissent les limites de la légalité. L'empire raconte ainsi comme les "majors", c'est-à-dire les entreprises qui dominent le domaine musical en possédant les labels, regardent de l'autre côté lorsque des actions illégales viennent entâcher le côté musical. 

"Pour certains secteurs, on voit qu'il y a une forme d'impunité et qu'il y a une forme de laisser-aller dans la manière de ne pas s'interroger sur les bénéficiaires directs, alors même que tous les indices sont devant leurs yeux. (...) Il y en a qui ont dû rendre des comptes, évidemment, mais en tout cas, l'aspect systémique de certains contrats n'a pas, semble-t-il, encore pris une prise de conscience par les acteurs de l'industrie", explique Paul Deutschmann.

D'autant que certains grands groupes de l'industrie musicale ont aussi touché des aides financières de la part de l'Etat. "Certains ont connu la bienveillance de l'État, ont reçu de la part de la BPI, comme Believe, un certain nombre de flux financiers. Oui, la BPI, la banque de l'État, a investi 25 millions d'euros dans Believe."

Un jeu d'influence

Aujourd'hui, le succès des rappeurs français est tel qu'ils sont parvenus à inverser le rapport de force avec les maisons de disques et les fameux majors. Fini les contrats d'artistes qui ne leur réservaient que 8% de bénéfices. Aujourd'hui, ils tournent en moyenne "entre 70 et 90 pour des groupes comme PNL, qui ont réussi réellement à prendre le dessus et à être propriétaires de leurs morceaux". 

Un rappeur n'est plus seulement un artiste musical, c'est une arme d'influence pour d'autres grandes figures du monde économique. Rodolphe Saadé, patron de la CMA-CGM, est lui-même allé chercher Jul pour prendre un café. "C'est Rodolphe Saadé qui demande cet entretien", raconte Paul Deutschmann. "Il veut réfléchir à travailler plus à Marseille, il réfléchit notamment à ce moment-là à l'OM, à potentiellement avoir un nouveau partenariat. Et donc, sonder Jul, c'était presque sonder le véritable maire de Marseille."

Le livre évoque aussi les relations entre Booba et Vincent Bolloré, posant tous les deux pour une photo depuis devenue célèbre. "Il y a presque une forme de puissance en miroir où je pense que ces rappeurs se détournent pour en partie des acteurs politiques qui leur paraissent assez démonétisés. Ils se tournent vers de nouveaux détenteurs du pouvoir, particulièrement les capitaines d'industrie," analyse Paul Deutschmann. "Peu importe leurs opinions politiques. On se dit bien qu'un Bolloré ne partage pas nécessairement beaucoup avec un Booba, mais ce miroir de puissance financière leur parlait."

L'empire, Paul Deutschmann, Simon Piel et Joan Tilouine, éditions Flammarion

La rédaction vous recommande

L’actualité par la rédaction de RTL dans votre boîte mail.

Grâce à votre compte RTL abonnez-vous à la newsletter RTL info pour suivre toute l'actualité au quotidien

S’abonner à la Newsletter RTL Info

En Direct

/

Bienvenue sur RTL

Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur

Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.

Bienvenue sur RTL

Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio

Je crée mon compte