Affaire Judith Godrèche : une figure de la lutte contre les violences sexuelles dans le cinéma français

Ce vendredi 23 février 2024, à quelques heures de la 49e cérémonie des César, l'industrie cinématographique française est secouée par les récentes accusations de violences sexuelles et les abus de pouvoir portées par Judith Godrèche. Le témoignage courageux de l'actrice souligne l'omerta qui règne dans le milieu du cinéma et ouvre la voie à un dialogue crucial sur la lutte contre les violences sexuelles.

Tout a commencé lorsque Judith Godrèche, âgée de 51 ans, a brisé le silence sur sa relation avec le réalisateur Benoît Jacquot, qui aurait débuté alors qu'elle n'avait que 14 ans. Cette prise de parole a été motivée par la lecture du livre Le Consentement de Vanessa Springora, révélant les abus subis par cette dernière de la part de l'écrivain Gabriel Matzneff (ce que ce dernier conteste). 

Judith Godrèche, dans une série diffusée sur Arte intitulée Icon of French Cinema, met en scène un personnage inspiré de son propre vécu, dénonçant ainsi les prédateurs potentiels dans l'industrie cinématographique. La sortie de cette mini-série, en décembre 2023, a coïncidé avec la diffusion d'une vidéo montrant Benoît Jacquot parler de sa relation avec des jeunes filles, confirmant ainsi les soupçons de l'actrice.

La plainte déposée par Judith Godrèche : le premier pas vers la justice ?

L'actrice Judith Godrèche a franchi un pas décisif en déposant plainte contre le réalisateur Benoît Jacquot le 6 février 2024. Quelques jours plus tard, elle accusait également Jacques Doillon de violences sexuelles. Ces accusations portent sur des faits qui remonteraient aux années 1986-1992, illustrant les abus de pouvoir et les situations de viol sur mineur qui auraient été persistants dans le milieu cinématographique notamment lors du tournage du film La fille de 15 ans en 1989, quand l'actrice avait 15 ans et lui 45.

"Je ne savais même pas ce que c’était le consentement. Il n’y a pas eu de consentement, le consentement n’existe pas à 14 ans", a déclaré Judith Godrèche chez nos confrères de Quotidien. Ces propos ont résonné comme un cri de vérité, incitant d'autres victimes potentielles à se manifester. Une enquête préliminaire est ouverte à Paris sur ces accusations de viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, viol, violences par concubin, et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité.

Je comprends qu'il est temps de raconter mon histoire. Pour vous, pour toutes celles et ceux qui vivent dans un silence imposé.

Lettre de Judith Godrèche à sa fille Tess, 18 ans, diffusée le 7 février par le journal Le Monde.

Les réactions diverses suite aux déclarations de l'actrice

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Les réactions suite aux accusations de Judith Godrèche ont été diverses. Si certains ont exprimé leur soutien à l'actrice et salué son courage, notamment Juliette Binoche et Dany Boon, d'autres ont remis en question ses accusations ou ont minimisé leur gravité. Anne Duperey a ainsi suscité la controverse en déclarant au micro de RTL, le 10 février : "Six ans avec un réalisateur, sous emprise, je veux bien, mais quand même consentante, non ?"

Quant à Benoît Jacquot et Jacques Doillon, les réalisateurs accusés, ils ont nié catégoriquement les allégations portées contre eux. Dans une déclaration publique, Jacques Doillon a dénoncé les "mensonges" et appelé à la prudence face aux "dénonciations arbitraires". Suite aux témoignages de Judith Godrèche, ce dernier, a annoncé vouloir porter plainte contre l'actrice ce jeudi 22 février 2024. L'avocate du réalisateur, Marie Dosé, s'est exprimée auprès de l'AFP : "Oser affirmer publiquement, comme elle l'a encore fait le 21 février dernier, que celui-ci aurait 'couché avec des enfants' qui tournaient dans ses films est ignoble et dépasse l'entendement".

Malgré les accusations de mensonge et les réactions hostiles de certains, Judith Godrèche persiste dans son combat. Sa prise de parole a incité d'autres femmes à témoigner, notamment Isild Le Besco, ouvrant ainsi la voie à un dialogue plus ouvert sur les violences sexuelles dans le cinéma français. Certains médias, comme Télérama et Les Cahiers du cinéma, ont publié des éditoriaux remettant en question la sacralisation des réalisateurs et appelant à une réflexion collective sur la culture du bannissement social.

Dans le sillage du mouvement #MeToo : Judith Godrèche élève la voix

Sur le plan politique, cette affaire a également soulevé des questions sur la responsabilité des autorités à protéger les victimes et à garantir la sécurité des mineurs dans l'industrie cinématographique. La prochaine prise de parole de Judith Godrèche sur "les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma" se déroulera pour la cérémonie des César le vendredi 23 février, à partir de 20h45. L'actrice s'exprimera quelques jours plus tard, le 29 février, devant le Sénat, par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, illustrant l'importance de cette affaire sur la scène politique nationale.

L'affaire Judith Godrèche ne se limite pas au monde du cinéma ; elle révèle une confrontation délicate de la société avec ses propres démons. Des personnalités comme Peggy Sastre ont qualifié le mouvement MeToo de "conservateur et irrationnel", soulignant les tensions et les débats qui divisent la société sur la question des violences sexuelles. Pourtant, comme l'a affirmé la magistrate Isabelle Rome dans son livre La fin de l'impunité : "Il est crucial d'étayer la recherche de la vérité, même si les faits sont prescrits, pour sortir d'un système d'impunité.", soulignant ainsi, l'importance d'une prise de conscience collective et d'une action continue pour lutter contre les abus et protéger les victimes.

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