Ces deux hommes me bottent, comme on disait autrefois, précisément parce qu'ils sont droits dans leurs bottes. Et ce n'est pas si fréquent, notamment dans un milieu où on traite nettement moins d'égal à égal que d'ego à ego. De gros, de très gros egos. Pas eux. Ils ont l'endurance des vrais marathoniens qui serrent les dents quand ils en bavent, et qui n'ont pas besoin de cour pour justement les voir courir.
Je n'ai été heureuse que, dernièrement, ces deux hommes aient eu le comportement que j'espérais qu'ils auraient. De qui veux-je parler? De David Pujadas et de Gilles Bouleau. Comment les définir? Disons que les deux journalistes présentent bien, sont forcément considérés comme rivaux et se moquent éperdument de la tendance. Oui, ils se fichent globalement du buzz montant des médias et des réseaux sociaux, un buzz gloubi-boulga où tout finit par se fondre et se confondre au point d'en être confondant.
Depuis la révélation de son futur remplacement au 20 Heures (on ne reviendra pas sur la brutalité de la décision et sur la façon dont elle lui a été assénée), David Pujadas a tout juste. Il s'est en effet montré responsable dans une situation de crise dont il n'était pas responsable.
C'était ainsi intelligent, juste après le rendez-vous lui annonçant son éviction, d'aller calmement en informer la rédaction (comment la direction a-t-elle pu penser qu'il n'allait pas le faire ?). Intelligent de "vivre" la crise née en interne ce matin-là tout en assurant les spéciales du jour. Intelligent d'imposer froidement sa date de dernier "JT". Et bien évidemment intelligent de préparer son avenir mine de rien.
David Pujadas a montré qu'il était conforme à ce qu'il semblait d'être.
Isabelle Morini-Bosc
Mais c'est son obstination à vouloir respecter son propre rythme qui m'a laissée le plus admirative. Il fait toujours ce qu'il dit, il ne dit pas toujours ce qu'il fait, ce qui est son droit. Chaque journaliste spécialiste des médias, moi évidemment incluse, voulait le soumettre à la question. Mais si c'était notre devoir de solliciter une interview, ce n'était pas le sien de l'accepter à un moment qu'il jugeait inopportun. Il a respecté son calendrier, pas le nôtre. Son urgence, pas la nôtre. Ses impératifs, pas les nôtres. Il a répété qu'il s'exprimerait à son heure et cette heure n'était définitivement pas la nôtre.
Du moins jusqu'à aujourd'hui. Et même si c'est un peu agaçant, c'est totalement respectable. La suite dans les idées, j'aime ça. C'est tout de même d'ailleurs à RTL qu'il a le plus parlé, après la dernière minute de son dernier journal, dans l'émotion de l'émission. Oui, David Pujadas a montré qu'il était conforme à ce qu'il semblait être, et c'est une première bonne nouvelle.
La seconde, c'est la faculté qu'il a de reconnaître les capacités des confrères. Il a ainsi toujours beaucoup apprécié Gilles Bouleau, rivalité d'antenne ou pas. J'ai donc été particulièrement émue que le présentateur du 20 Heures de TF1 lui ait adressé hier un message amical, souhaitant une "bonne soirée à tous et en particulier à David Pujadas qui, ce soir, referme avec grande classe un chapitre de l'information à la télévision. Bon vent à lui". Parfait.
"Il est trop content de ne plus avoir Pujadas en face", a ironisé un confrère. Je veux bien, mais n'est-ce pas terriblement réducteur de rétrécir la vie et les êtres à la seule dimension médiatique ? D'autant que ces deux présentateurs seront peut-être géographiquement proches dans un avenir pas si lointain. Reste que l'heure n'est pas aux spéculations. Elle est à la gratitude. Je termine donc comme j'ai commencé, en remerciant ces deux professionnels d'être avant tout des hommes. Droits dans leurs bottes.
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