Il y a quelques jours, j’ai reçu un message d’Yves-Marie Robin, journaliste politique chez Ouest-France, qui “me tint à peu près ce langage” : “Bonjour madame, j’ai besoin de vos lumières : plusieurs candidats engagés dans la présidentielle utilisent le point d’exclamation pour leur parti ou leur slogan de campagne. Comment expliquez-vous cette nouvelle mode ?”
En vérité, l’invasion a commencé dans des marques commerciales, comme Yahoo!, dès les années 1990. Puis, nous avons vu apparaître le mouvement En marche ! au moment de la dernière campagne présidentielle. Et aujourd’hui, comme l’a remarqué Yves-Marie Robin, les slogans de Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Jean Lassalle et Eric Zemmour (dans l’ordre : “Libres !”, “Hidalgo ! 2022”, “Résistons !” et “Reconquête !”) s’écrivent tous avec un point d’exclamation. Bref, il faut le reconnaître, ce signe de ponctuation est aussi contagieux que le variant Omicron.
Alors, comment expliquer cette épidémie ? Les premiers signes de ponctuation remontent à l’Antiquité, mais le point d’exclamation, qui s’est d’ailleurs appelé d’abord “point d’admiration”, fait partie des derniers-nés. Il est apparu au Moyen Âge, peu après son cousin le point d’interrogation.
Le point d’exclamation conclut, comme son nom l’indique, une phrase exclamative. Or, il éveille des passions. Pourquoi ? Parce qu’on peut en réalité remplacer le point final de presque n’importe quelle phrase par un point d’exclamation, juste pour lui donner plus d’emphase et que, par voie de conséquence, on en abuse. Je peux écrire : "Stéphane Carpentier est un génie." (avec un point final, c’est un fait), je peux aussi écrire "Stéphane Carpentier est un génie !" (avec un point d’exclamation, ça devient emphatique).
Je ne résiste pas à partager avec vous l’opinion d’une spécialiste de la ponctuation, Lynn Truss. Elle dit : “Dans la famille de la ponctuation, (…) le point d’exclamation est ce grand frère hyperactif qui s’agite, casse tout et rit trop fort.” Pour Scott Fitzgerald, user de points d’exclamation, “c’est comme rire de ses propres plaisanteries”. Quant à Pierre Desproges, il déclare avec une élégance dont je vous laisse juge qu’il “évite ce genre de ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut que heurter la pudeur”.
L’idée c’est qu’il ne faut pas abuser du point d’exclamation. Pour citer un autre lexicographe distingué, Henry Watson Fowler, je dirais que “Un usage excessif du point d’exclamation est la marque (…) [d’une tentative] d’ajouter un peu de sensationnel à quelque chose qui ne l’est pas”.
Savez-vous que le nombre des points d’exclamation est l’un des indices qui font classer un message dans la bannette de courrier indésirable par les hébergeurs de courriel ? Bref, trop de points d’exclamation, ça fait pub, mais après tout, un slogan, est-ce autre chose ?
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