"Prendre ses cliques et ses claques" : qu'est-ce que ça veut dire ?

Mon Bonbon sur la langue de la semaine dernière sur les mots qui n’existent pas a généré pas mal de réactions ! Ce sont des mots qui en vérité existent, bien sûr, mais uniquement dans une expression, comme le queux avec un X du maître queux, qui est un cuisinier, ou le bourrichon qui n’est autre qu’une petite bourriche qui nous tient lieu de tête quand on se la monte (la tête), mais nos auditeurs m’ont envoyé quantité de suggestions d’autres mots rares.

Je pense notamment à Guy, sur Facebook, qui regrettait que je n’aie pas parlé du fur de l’expression "au fur et à mesure".

Mais il a déjà fait l’objet d’un Bonbon sur la langue, il y a quelques années, sur ces expressions qui, comme elles figent les mots ensemble, conservent parfois comme dans des congélateurs linguistiques des termes qui ont disparu de l’usage… J’y avais évoqué le fur du "fur et à mesure", mais aussi le prou de "peu ou prou", le dam de ‘à mon grand dam’ (qui d’ailleurs selon l’Académie française devrait se prononcer comme une dent…) et le couRRe avec deux R de la "chasse à courre".

Une expression qui génère des fautes d’orthographe...

Mais comme ces fouilles dans le congélateur de notre vocabulaire semblent passionner les amis des mots, eh bien nous allons leur en offrir encore quelques-uns, toujours tirés de ce livre rigolo comme tout dont je parlais la semaine passée, intitulé fort justement Ces mots qui n’existent pas… mais qu’on emploie quand même. C’est de Sylvie Brunet, aux éditions de l’Opportun…

Et tenez, commençons par une expression qui génère pas mal de fautes d’orthographe, justement parce qu’elle comporte un mot si ancien qu’il a disparu partout ailleurs : avenu. Oui, avenu sans E, pas comme l’avenue Charles-de-Gaulle. Avenu, l’adjectif. Et puisque c’est un adjectif, il s’accorde : quand on dit qu’un accord est "nul et non avenu", (c’est-à-dire que c’est comme s’il n’avait pas existé, il est annulé), alors c’est avenu. Mais si je dis qu’une décision (féminin) est "nulle et non avenue", c’est avenue-UE (et d’ailleurs nulle aussi s’accorde au féminin).

"Avenir" était un verbe

Mais quel est ce drôle d’adjectif avenu ? Eh bien c’est tout ce qu’il nous reste d’un verbe qui a disparu : avenir, qui voulait dire "arriver, se produire… advenir". En fait, advenir a remplacé le verbe avenir au XIIIe siècle, au moment où des lettrés ont décidé qu’il serait tellement plus élégant de rapprocher le verbe de son origine latine, le verbe advenire.

Le verbe avenir nous a laissé aussi le nom avenir, bien sûr ! Ce qui était un verbe à l’origine est devenu un nom qui désigne "ce qui est à venir", le futur. Il nous en reste aussi pas mal d’autres noms, l’avènement, l’aventure, et même figurez-vous l’avenue, l’endroit par lequel on arrive !

Et tenez, puisque je vais quitter le studio dans quelques secondes, quelles sont ces cliques et ces claques que nous prenons quand nous décidons de déguerpir à la hâte en emportant nos affaires ? Attention, côté orthographe, ce sont des cliques et des claques, pas avec un C comme votre canapé clic-clac. Vous avez une idée de ce qu’elles représentent, amis des mots ?

Des cliques, d’après le Larousse, ce sont des groupes de personnes, avec un sens péjoratif d’ailleurs : "Lui et sa clique, je ne peux plus les voir en peinture !" Les claques, en général on essaie plutôt de les éviter. Mais il ne s’agit pas de celles-là. Dans son édition de 1835, révèle Sylvie Brunet, "le dictionnaire de l’Académie française précise que cliques est 'anciennement' le nom par lequel on désigne des sabots de bois dans certaines provinces. On dit aussi claques", précise-t-il.

Les deux termes seraient donc synonymes, "baptisés d’après l’onomatopée des bruits qu’ils produisent" quand on marche avec : clic-clac ! Au départ, l’expression signifiait simplement "partir à toute vitesse” en courant avec ses sabots : clic-clac-clic-clac ! Puis le verbe prendre lui a conféré le sens de "ramasser toutes ses affaires et partir".

C’est donc ce que je vais faire, prendre mes cliques et mes claques, amis des mots. Mais ne vous inquiétez pas, je les rapporterai samedi prochain, 8h40 !

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