Les enfants sont les champions des bonnes questions, et celle-ci vient de Noé, 9 ans, qui m’a interpellée dans une librairie où je proposais une dictée l’autre jour en me demandant, l’air un peu fâché, comme si c’était de ma faute : “À quoi ça sert, qu’il y ait des verbes du premier groupe, du deuxième groupe et du troisième groupe ?”
On sent que Noé transpire sur ses conjugaisons, et sans doute qu’il se demande pourquoi tous les verbes ne se conjuguent pas sur le modèle des verbes en ER, ceux du premier groupe, comme jouer. Il a raison, ce serait tellement plus simple ! D’autant que ce groupe est de loin le plus important : il représente 90 % des verbes français. Attention quand même au verbe aller qui, malgré sa terminaison en ER, est le champion toutes catégories des irréguliers – s’il était régulier, on dirait j’alle, tu alles, il alle, et j’allerai, tu alleras, il allera !
Aller fait donc partie des verbes du troisième groupe, celui des inclassables comme boire, avoir, courir, bouillir ou mourir, qu’on appelle irréguliers parce que leur conjugaison est un brin fantaisiste – vous vous souvenez, n’est-ce pas, que tous les verbes en IR ne font pas partie du deuxième groupe ?
Le deuxième groupe, ce sont les verbes en IR qui font leur participe présent en “issant” : finir donne bien finissant, hennir donne bien hennissant, enfouir donne bien enfouissant, mais bouillir ne donne pas plus bouillissant que courir ne donne courissant ou mourir mourissant ! Donc ces trois-là, hop, direction troisième groupe. Pourtant, cher Noé, contrairement à ce qu’on pourrait croire, s’il y a plusieurs types de conjugaisons, ce n’est pas exprès pour compliquer la vie des écoliers.
Une fois de plus, c’est simplement l’usage, qui a fait évoluer les choses de cette façon. Une langue, ce n’est pas un ensemble de règles élaboré par une équipe de savants plus ou moins pervers, c’est le résultat d’une histoire, de guerres, de colonisations multiples, subies et infligées, d’échanges commerciaux et culturels, de fertilisations croisées, bref, le résultat d’accidents successifs qui se soucient peu de logique.
Les verbes en ER sont pour beaucoup un héritage des verbes latins en are (chanter vient de cantare, payer vient de pacare, parler de parabolare…), par exemple, et ceux en IR viennent souvent, mais pas toujours, des verbes latins en ire – finir vient de finire, bénir vient de benedicere…
La bonne nouvelle pour Noé, c’est que tous les nouveaux verbes qui arrivent en français adoptent la conjugaison la plus simple : celle du premier groupe. Car il y a sans cesse des verbes nouveaux ; dès qu’une nouvelle réalité apparaît, il faut des verbes pour en parler : tweeter, ubériser, par exemple, ou tenez, deux qui viennent d’entrer au Robert 2023 : écouvillonner “prélever un échantillon (…) à l’aide d’un écouvillon” ou dégenrer, “supprimer toute distinction en fonction du genre”. Tous ces verbes nouveaux se conjuguent sur le modèle d’aimer ou de jouer. Ouf ! – n’est-ce pas, Noé ?
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte