Orthographe : faut-il un seul N à "donateur" et deux à "donneur" ?

"Pourquoi tant de N"… Il s’agit de répondre à Ludwig, qui m’écrit de Dordogne que "c'est un plaisir de [m’]écouter le samedi et le dimanche à 8h40, heure à laquelle [il] arrête toute activité pour ne rien rater." Oh merci, Ludwig !

Naturellement, je vais me faire une joie de répondre à notre Dordognais (ou Dordognot, car son département a cette caractéristique curieuse de n’avoir pas de gentilé, d’appellation, bien fixe pour ses habitants, qui paraît-il peuvent également s’intituler Périgordins ou Périgourdins, par allusion à l’ancienne province du Périgord qui correspondait à la Dordogne actuelle).

Bref, Ludwig m’écrit ceci : "Je voudrais soumettre à votre sagacité un sujet d'orthographe : Pourquoi le verbe donner comporte-t-il deux N, alors que le mot donateur ne comporte qu'un N ? A l'inverse, le verbe honorer comporte un N, alors que le mot honneur en comporte deux. Seraient-ce deux cas particuliers ? Ou y a-t-il d'autres cas similaires ?"

Notre langue a parfois une orthographe abracadabrantesque

En effet, en voilà une bonne question… D’autant plus que c’est un truc que l’on donne souvent – et qui fonctionne souvent quand même, reconnaissons-le : quand on se demande comment écrire un mot, on peut souvent s’appuyer sur un terme de la même famille pour décider. Faut-il deux R au territoire ? Oui, car il faut deux R à la terre. Faut-il un T final à l’habitant, oui car au féminin on l’entend dans l’habitanTe.

Mais il faut aussi admettre que notre langue a parfois une orthographe abracadabrantesque, selon le vieil adjectif remis à la mode en l’an 2000 par Jacques Chirac, et en voilà bien une preuve… parmi d’autres. Car, c’est plus fou encore que les exemples de Ludwig : oui, donner prend deux N, tandis que donateur, donation ou donataire (celui qui reçoit) n’en prennent qu’un… mais donneur (le donneur de sang), lui, prend deux N… comme donner, donc, mais pas comme donateur !

Donneur... mais donateur

Idem pour honneur avec deux N qui a donné honorer mais aussi honorifique avec un seul. Il faut reconnaître que c’est à s’arracher les cheveux. En français, les consonnes doubles causent presque autant d’angoisses que l’horrifique (avec deux R) accord du participe passé ou la conjugaison du plus-que-parfait du subjonctif. Ah je vois à vos yeux ronds comme des sous-tasses, amis des mots, que vous avez un peu oublié cet énergumène, vous aussi – c’est : "Que j’eusse aimé, que tu eusses aimé, qu’elle ou il eût aimé…"

Il est terrible, ce temps-là… mais heureusement pas trop utilisé. À la différence du verbe donner et de l’honneur avec leurs deux N tandis que quantité de mots de leur famille n’en prennent qu’un. Et Ludwig demande si ce sont là des cas uniques… Eh bien, mauvaise nouvelle : non !

Il est même relativement fréquent que, dans une même famille de mots, certains prennent une consonne double et d’autres non. Mais allez, il n’y en a pas tant que cela de vraiment courants. Retenons surtout coordonner avec deux N mais coordination avec un seul, rationnel avec deux N mais rationalité et rationalisme avec un seul, sonner avec deux N également, mais consonance, assonance, sonore ou sonorité avec un seul, résonner avec deux N et résonance avec un seul.

Ce sont les plus fréquents. Les rectifications de l’orthographe de 1990 en ont simplifié quelques autres, car en orthographe traditionnelle on écrit aussi souffler, siffler et siffloter avec deux F mais boursoufler ou persifler avec un seul, combattre avec deux T mais combatif et combativité avec un seul, bonhomme avec deux M mais bonhomie avec un seul, charrette avec deux R mais chariot avec un seul. Pour tous ceux-là, depuis 1990, on a le choix : on peut doubler la consonne… ou pas, car ces rectifications sont des propositions, qui n’ont fait qu’apporter des possibilités nouvelles, sans rien imposer. Ouf (avec un seul F) !

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