Orthographe : faut-il écrire "suffir" ou "suffire" ?

Ce samedi, amis des mots, nous allons nous pencher sur l’orthographe un peu surprenante d’un verbe qui est pourtant courant… Ce qui m’a inspiré ce sujet, c’est un éditorial du journal Le Monde – ou plutôt une fantaisie orthographique de son auteur, que je ne dénoncerai pas : les correcteurs (et trices !) ont beau ne pas prêter le serment d’Hippocrate, ils sont tenus au secret professionnel presque au même titre que les médecins. Vous pouvez fauter en toute tranquillité, les noms des fauteurs (ou des fautifs) ne seront jamais divulgués… 

Néanmoins, l’éditorial étant toujours l’œuvre d’un journaliste plus que confirmé, les coquilles que j’y pêche pourraient forcément avoir été commises par pas mal de nos concitoyens. Tenez, comment écrivez-vous "suffir/e", amis des mots ? Dans cet édito, il était question de progrès qui "ne sauraient suffir". Or "suffire" s’écrit, bizarrement, peut-être, avec un E final. C’est vrai, on s’attend, parce que c’est le cas la plupart du temps, à ce qu’un verbe dont l’infinitif se termine par le son "ir" s’écrive IR, comme finir, venir, mourir, agir, etc. Or, ce n’est pas le cas de suffire, qui, lui, a le mauvais goût de prendre un E final.
Il n’est pas le seul, bien sûr, mais la plupart des autres verbes en IRE sont si répandus qu’on les écrit correctement sans même y penser : c’est le cas de rire et de sourire, mais aussi de dire, lire, écrire ou même de cuire – car attention, cuire sans E, ce n’est plus de la cuisson… c’est de la peau d’animal mort ! En revanche, on oublie parfois le E final de verbes que l’on écrit moins souvent, comme bruire, confire, occire – ou suffire. Alors comment savoir si votre verbe en "ir" est un verbe en IRE ?

IR ou IRE ?

 J’ai un truc ! D’abord, il faut savoir si votre verbe fait partie du 2e ou du 3e groupe. Pour cela, il suffit d’utiliser le participe présent : tous les verbes en "ir" qui font leur participe présent en issant sont des verbes du 2e groupe : ceux-là s’écrivent tous IR. Finir donne finissant, donc finir IR ; agir donne agissant donc agir IR. Bref, tous les verbes du 2e groupe, IR !
Après, ça se corse un brin : il y a ce satané 3e groupe, celui des irréductibles verbes irréguliers. L’Académie française donne une bonne astuce sur son site Internet : les verbes du 3e groupe qui se terminent "par IRE ont, à l’oral, une syllabe de moins à l’infinitif qu’au participe présent". C’est ainsi que lire, une syllabe, donne lisant, deux syllabes, et qu'écrire, deux syllabes, donne écrivant, trois syllabes : donc lire et écrire prennent un E final. À l’inverse, venir, deux syllabes, donne venant, deux syllabes également, donc venir IR. Appliquons cela à notre suffire du début : suffire, deux syllabes, donne au participe présent suffisant, trois syllabes, donc suffire prend bien un E final. Limpide, non ?

À lire aussi

langue française

Langue française : faut-il écrire "faire bonne chère" ou "faire bonne chair"