Orthographe : faut-il écrire "de mal en pire" ou "de mal en pis" ?

Aujourd’hui, amis des mots, nous allons évoquer une erreur que l’on entend souvent… et qu’on lit parfois également, sous la plume ou le clavier de pessimistes qui trouvent que les choses vont "de mal en pire" – au lieu de "de mal en pis", bien sûr…

C’est une confusion assez compréhensible, puisque les deux mots, pis et pire, sont ce que l’on appelle des paronymes, c’est-à-dire des mots qui se ressemblent beaucoup, et qu’il existe même un synonyme de l’expression "de mal en pis" qui permet de dire que les choses vont "de pire en pire" – version qui est quand même considérée comme familière. En somme, l’expression consacrée est bien "de mal en pis".

L’autre explication de la fréquence de cette erreur est que ce pis ne nous dit plus grand-chose au XXIe siècle, à part peut-être le pis de la vache, mais on ne voit pas trop le rapport… Alors quel est ce pis ? Déjà, on le trouve dans de multiples expressions. Par exemple quand on dit "pis que pendre" de quelqu’un, c’est-à-dire qu’on en dit beaucoup de mal, au point qu’il mériterait d’être "pire que pendu". On parle aussi parfois d’un pis-aller, avec un trait d’union et la liaison en z, qui désigne "ce à quoi l’on se résout, faute de mieux" (Larousse). Mais surtout il y a cette locution, cet ensemble de deux mots, si courants : tant pis – que d’ailleurs la légendaire Zézette épouse X du Père-Noël est une ordure prononce de traviole : "Tant pire !" 
Certes, Zézette épouse X n’est pas un modèle d’expression française…

"Pis" comme un équivalent littéraire de "plus mauvais"

Par ailleurs, quand les choses vont "de mal en pis", c’est qu’elles empirent, du verbe empirer, ce qui ne fait qu’emmêler davantage notre affaire. En dehors de ces expressions consacrées, les dictionnaires décrivent désormais le mot pis comme un équivalent littéraire de "plus mauvais", "plus mal"… et "pire", eh oui. Le Larousse donne les exemples "Maintenant, c’est encore pis" et "Il a fait pis que cela", mais dans la langue ordinaire il est jugé correct de dire "C’est encore pire" et "Il a fait pire que cela".

En somme, en gros, c’est juste dans les expressions comme pis-aller, tant pis, de mal en pis que l’on ne peut pas remplacer pis par pire. Les expressions idiomatiques, dont on ne dira jamais assez qu’elles sont tout sauf idiotes (idiomatique, c’est "caractéristique de tel ou tel idiome", telle ou telle langue), ont cette aimable caractéristique de conserver les mots anciens à l’abri des évolutions du langage.

C’est ce qui nous permet souvent d’y dénicher des pépites, des mots rares ou carrément disparus… dont je vous fais profiter au micro de RTL, car j’adore ça !

Sauf dans les expressions consacrées

Pire vient du latin pejor qui veut dire "plus mauvais", c’est ce qu’on appelle un comparatif – voilà qui vous rappelle peut-être de vieux souvenirs des bancs de l’école, amis des mots. Au passage, dans le latin pejor, on reconnaît aussi l’origine de l’adjectif péjoratif, désignant tout ce "qui comporte une nuance dépréciative" (Larousse).

De même que lorsque quelque chose est "plus mauvais, plus mal", c’est pire, eh bien, quand c’est "plus que bien", c’est mieux, et quand c’est "plus que bon", c’est meilleur. Si on ajoute les articles le ou la devant, on obtient des superlatifs : "c’est LA meilleure de toutes les brioches", "c’est LA pire des marques de café".

Quoi qu’il en soit, comme l’explique la Banque de dépannage linguistique sur son site Internet, "Pis, qui s’oppose à mieux, signifie en général ‘plus mal'. Il peut avoir la valeur de comparatif de supériorité de mal (…) ; autrement, il est utilisé comme superlatif. Dans la langue courante, il est souvent remplacé par plus mal (…) ou par pire."

Sauf, donc, dans les expressions consacrées que nous avons évoquées, où cette substitution est considérée comme une erreur grossière. Bon, moi, ce que je préfère, c’est quand les choses vont "de mieux en mieux", et là au moins, pas de confusion possible !

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