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Langue française : pourquoi "beau" devient-il parfois "bel" ?
On dit "un bel hiver" mais "l’hiver est beau". "Un bel été" mais "un beau printemps"... La correctrice de RTL se penche sur cette bizarrerie.
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Crédit : joshua-hoehne/unsplash
Une question venue de l’autre côté de la Méditerranée, ce matin, posée par Brahim, de Constantine, en Algérie. "Bonjour, m’écrit-il sur Facebook, mon fils, qui est enseignant de français, m'a surpris par une question à laquelle je n'ai pas trouvé de réponse, alors je m'adresse à vous… Pourquoi, dit-on ‘c'est un bel article’ et non 'c’est un beau article’ ? Il me semble que les deux sont justes… Merci de nous apporter votre éclairage !"
C'est vrai que c’est surprenant, quand on y pense : le masculin, c’est "beau"… D’autant plus surprenant qu’à l’oral "bel" ressemble furieusement au féminin, "belle" ! Et que si l’on dit "C'est un bel article", on dira aussi "Cet article est beau". Donc parfois, avec article, c’est beau, et d’autres fois, c'est bel. Voilà pourquoi Brahim pense que les deux sont justes. Alors, comment cela se fait-il ?
D’abord, article n’est pas le seul nom concerné, naturellement… On dit aussi un bel enfant, un bel avion, un bel hippocampe, un bel idiot, etc. On dit cela sans y penser quand on est tombé dans la langue française à la naissance, mais les étrangers et les jeunes enfants font souvent l’erreur : "Oh le beau avion !"
Bel/beau serait-il le seul adjectif concerné ? Non, ils sont cinq : beau, fou, mou, nouveau et vieux, que l’on remplace donc par bel, fol, mol, nouvel et vieil. Soit à l’oral l’équivalent de la forme féminine belle, folle, molle, nouvelle et veille, mais attention à ne pas se tromper à l’écrit. Alors pourquoi ? Tout simplement pour une raison de ce que les linguistes appellent l’euphonie, la "qualité des sons agréables à entendre, selon la définition du Petit Larousse, le résultat harmonieux de leur combinaison, en particulier dans le mot ou la phrase". Euphonie vient du grec euphonia, l’harmonie. Le français n’aime pas le choc entre deux sons voyelles.
Bel, fol, mol, nouvel et vieil
Quelle est la règle ? On modifie ces adjectifs, qui vous l’aurez remarqué se terminent tous par des sons voyelles, quand ils se trouvent devant un mot commençant par une voyelle ou un H muet. Voilà pourquoi on ne parle pas d’un beau été, mais d’un bel été, qu’on ne dit pas "un vieux homme" mais "un vieil homme", et que l’on ne célèbre pas le nouveau an mais le nouvel an. Moins fréquent, l’adjectif mou donne mol : on ne dit pas "il a fait preuve d’un mou enthousiasme"… mais "il a fait preuve d’un mol enthousiasme" ; on ne s’enveloppe pas d’“un mou édredon” mais d'"un mol édredon".
À noter que, de manière pas tout à fait logique, la règle s’applique y compris lorsque l’adjectif précède la conjonction "et", devant un deuxième adjectif. La Banque de dépannage linguistique donne les exemples "Ce vieil et décrépit hôtel" ou encore "Ton bel et angélique enfant".
La question du jour est un message de satisfaction… c’est assez rare pour que j’aie eu envie de vous en faire profiter. Merci donc à Jean-Marie, de Paris, de m’avoir mise en copie de son message à la direction générale de Mobilier de France. "Permettez-moi de féliciter vos publicitaires, écrit-il, après avoir entendu ce message sur les ondes radiophoniques : 'Plus on se fait plaisir, plus on est récompensé : 100 € offerts tous les 500 € d'achat sur nos collections !' Vu comme ça, ça n’a l’air de rien... Mais à l’écoute ça change tout puisque l’on entend ces liaisons devenues si rares, hélas : 'cent (t)euros offerts tous les cinq cents (z)euros'. Donc bravo et merci messieurs, tout simplement."
Je me joins à la joie de cet auditeur, en j’en profite pour rappeler que eh oui, les euros, c’est comme les années : si Mémé n’a pas 100 H’ans mais 100 T’ans, on n’offre pas 100 H’euros mais 100 T’euros. Un bâtiment n’a pas 500 H’ans mais 500 Z’ans, donc de même on parle de 500 Z’euros d’achats. Merci Jean-Marie de m’avoir donné cette occasion d’enfoncer le clou.
