On le surnomme le "pêcheur de microbes". Didier Raoult et ses travaux sont dans toutes les discussions depuis ces derniers jours. Ce spécialiste des maladies infectieuses, directeur de l'IHU (Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection) de Marseille, entend lutter contre le Covid-19 avec la chloroquine, désormais vantée aussi par le président américain Donald Trump.
Cette molécule utilisée contre le paludisme serait, selon lui, l'arme principale pour l'annihiler. Des tests cliniques en Chine menés sous la direction du professeur Zhong Nanshan auraient confirmé les tests in vitro effectués auparavant.
Malgré une allure jugée un peu fantasque - on le compare parfois à Patrick Sébastien ou au druide Panoramix - cet homme de 68 ans est l’un des meilleurs experts mondiaux en matière de maladies infectieuses et tropicales. Et il s'amuse de ceux qui critiquent ses travaux : "De petits marquis parisiens", juge celui qui est un des onze membres du conseil scientifique Covid-19 auprès du gouvernement français. Olivier Véran a d'ailleurs indiqué dans Le Grand Jury dimanche 22 mars "l'avoir au téléphone tous les jours".
Sur 24 patients traités à l'IHU Méditerranée Infection avec de l'hydroxychloroquine, 75% présentent une charge virale négative au bout de six jours, affirme-t-il. En clair : le virus a disparu, le patient n'est plus contagieux.
"On ne peut pas se contenter d’une étude sur vingt-quatre malades, dont on ne connait pas encore tous les paramètres", a tempéré Olivier Véran dimanche dans Le Grand Jury, assurant que ce médicament "n'était pas anodin" et présentait des effets secondaires. Il a assuré en revanche que "la France pourrait présenter des résultats concluants" dans les 15 prochains jours.
En France, plusieurs personnalités politiques, dont Christian Estrosi ou Bruno Retailleau (LR), plaident pour une utilisation à grande échelle de ce médicament dans la lutte contre le nouveau coronavirus. "Nous n'avons pas affaire à un charlatan mais un homme de science", a martelé auprès de BFMTV Valérie Boyer, en référence au Pr Raoult. Ce scientifique a en tout cas une longue carrière derrière lui.
Père de deux enfants, marié à une psychiatre, il a passé son bac littéraire à 20 ans, en candidat libre avant de faire médecine. Et l'homme de sciences s'était déjà fait remarquer dans le passé pour d'autres découvertes. Il est souvent présenté comme le spécialiste mondial des "Rickettsies", des bactéries intracellulaires à l'origine notamment du typhus. Didier Raoult a aussi décrypté le génome de la bactérie à l'origine de la maladie de Whipple, près d'un siècle après l'apparition de cette pathologie.
A Marseille, cette ville où il est arrivé à l'âge de neuf ans avec ses parents, de retour d'Afrique - il est né à Dakar -, il multiplie les trouvailles. Il a ainsi découvert "Mimivirus", ce virus géant qu'il identifie en 1992 et baptisera en l'honneur de "Mimi l'amibe", un héros inventé par son père lorsque celui-ci lui racontait des histoires dans son enfance.
Il repère ensuite "Spoutnik", un virus nain capable d'en infecter un autre pour prospérer. Avec ses équipes, il identifie aussi des dizaines de nouvelles bactéries pathogènes, dont deux portent son nom aujourd'hui, Raoultella planticola et Rickettsia raoultii.
Pionnier de la paléomicrobiologie, Didier Raoult est aussi chercheur et capitaine d'industrie. Il avait en effet proposé au ministre de la Santé, Jean-François Mattei, au début des années 2000, de créer sept "infectiopôles", "des forteresses à la Vauban" contre les maladies infectieuses. Dix ans plus tard, six IHU sont créés à travers la France, chacun sur un thème différent : Imagine à Paris, sur les maladies génétiques ou Méditerranée Infection, à Marseille, qu'il dirige depuis 2011.
Didier Raoult est également connu du grand public pour ses prises de position tonitruantes, comme quand il a dénoncé l'interdiction du voile à l'université, en 2016, ou quand il exprime ses doutes face au réchauffement climatique et à ces modèles mathématiques catastrophistes qui ne seraient qu'une forme moderne de "divination".
"Dans mon monde, je suis une star mondiale, je ne suis pas du tout à contre-courant, assurait-il dans les colonnes de La Provence il y a quelques jours. Je fais de la science, pas de la politique".