Coronavirus : l'Ordre des médecins engage des poursuites contre Didier Raoult

S’il est reconnu mondialement comme un ponte de la recherche dans les maladies infectieuses, le professeur Didier Raoult, directeur de l'Infectiopole (IHU) de Marseille, est poursuivi devant l’Ordre des médecins, qui lui reproche de nombreuses "entorses au code de déontologie", détaille Le Parisien. 

Alors que Didier Raoult vante depuis le début de l'épidémie les bienfaits de la chloroquine pour lutter contre le nouveau coronavirus, des signalements ont été rapportés à l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Nombreux sont ceux qui remettent en question les travaux du spécialiste. Un professeur de mathématiques qui exerce dans un collège a critiqué le manque de fiabilité de l'essai clinique réalisé à l'IHU de Marseille.

Un collectif de cinq médecins hospitaliers a de son côté dénoncé la "surmédiatisation" de Didier Raoult et ses propos qui "s’opposent aux données et aux résultats scientifiques". Ils estiment que le microbiologiste est allé "jusqu'à prôner et prescrire des thérapeutiques et associations médicamenteuses non éprouvées" qui sont “au minimum inefficaces” ou “au pire dangereuses”. 

En juillet dernier, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), association de 700 membres, la plupart médecins, a décidé de déposer plainte : ses membres reprochent au professeur d'avoir enfreint au moins neuf articles du code de déontologie médicale.

L'obstination de Didier Raoult a des conséquences graves

Pierre Tattevin, président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF)

"Ce qui nous a poussés à nous mobiliser, c'est qu'en juin, alors que plusieurs études montraient que l'hydroxychloroquine ne marchait pas, Didier Raoult a continué à la promouvoir et à vouloir l'imposer", explique le président de l'association, Pierre Tattevin. Ce traitement n’est presque plus utilisé en France mais continue d’être recommandé et prescrit en Afrique, ce qui inquiète l’infectiologue. Il estime que la liberté de prescrire "ne doit pas se faire aux dépens des patients" et que "l'obstination de Didier Raoult a des conséquences graves". Didier Raoult “ne se comporte pas comme un médecin devrait le faire”, juge Pierre Tattevin.

Le 6 octobre dernier, l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône a convoqué le professeur qui a été soumis à un interrogatoire pensant deux heures "dans une ambiance tendue", explique son avocat Me Fabrice Di Vizio. "Le conseil départemental a décidé de porter plainte" en votant en assemblée plénière, a confirmé l’instance. 

Didier Raoult devra donc comparaître devant la chambre disciplinaire de l'ordre régional dans les mois qui viennent. Pour rappel, cette dernière est composée de médecins élus et présidée par un magistrat administratif qui peut délivrer des sanctions allant jusqu'à la radiation. 

Ce n'est pas parce qu'il est médiatique et clivant qu'il doit avoir moins de droits que les autres

Me Fabrice Di Vizio, avocat du professeur Didier Raoult

"Aujourd'hui, on fait le procès de Didier Raoult, mais il n'a mis personne en danger : son traitement est reconnu par la communauté scientifique internationale, il est prescrit en routine au Maroc, au Sénégal, au Mali… Du reste, il testait tout le monde quand, ailleurs en France, on ne pouvait répondre à la demande", dénonce Me Fabrice Di Vizio, qui reste confiant. "La relaxe ne fait aucun doute (...) sous réserve que la chambre disciplinaire soit réellement impartiale", a-t-il déclaré, rappelant les nombreuses attaques sur Twitter dont Didier Raoult fait l’objet. 

"Ce n'est pas parce qu'il est médiatique et clivant qu'il doit avoir moins de droits que les autres. Il a peut-être trop parlé mais il n'est pas le seul. Certains médecins ont couru les plateaux télévisés en minimisant le risque", a-t-il ajouté. L’avocat déplore que l’Ordre des médecins poursuive Didier Raoult, "alors qu'il n'a pas déposé un seul recours pour défendre la profession quand des médecins mouraient par manque de masques et de protections".

De son côté, le président de la Société de pathologie infectieuse a souligné que son objectif n’était pas la "radiation" du professeur controversé. Jugeant que Didier Raoult "fait des dégâts", il souhaite seulement que ce dernier arrête la promotion de son traitement contre la Covid-19. 

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