En discussion depuis plusieurs mois, la taxe sur les Gafa arrive sur la table du Conseil des ministres. Le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire présentera mercredi 6 mars aux membres du gouvernement un projet de loi visant à mettre en place une fiscalité nationale des géants du numérique. Le patron de Bercy a reconnu la semaine dernière que la réunion de l'Eurogroupe du 12 mars n'aboutira pas à un accord sur un projet de directive au niveau européen. À défaut d'entraîner avec elle ses partenaires continentaux, la France est déterminée à faire cavalier seul dans une logique de "justice fiscale".
Comme plusieurs pays européens l'ont fait à leur niveau, la France veut mettre fin aux privilèges fiscaux des multinationales qui ne déclarent au fisc qu'une infime partie du chiffre d'affaires qu'elles réalisent dans l'Hexagone grâce à des opérations d'optimisation fiscale. “Les géants du numérique paient 14 points d’impôts de moins que les petites et moyennes entreprises (PME) européennes”, a déploré Bruno Le Maire dans l'entretien qu'il a accordé au Parisien le 3 mars.
Pour l'exécutif, cette injustice fiscale est de plus en plus difficile à justifier aux yeux des Français. La taxation nationale des géants du Web était l'une des nombreuses revendications du mouvement des "gilets jaunes" et l'une des réponses apportées par le président de la République Emmanuel Macron lors de son allocution à la nation du 10 décembre dernier. Le gouvernement veut aller vite. Bruno Le Maire a promis que la France commencerait à prélever cet impôt à partir du 1er janvier de cette année. L'objectif est de récupérer 500 millions d'euros par an.
Les modalités de cette nouvelle fiscalité ont été précisées dans l'interview du ministre au Parisien ce week-end. Une trentaine de groupes paieront une taxe de 3% sur le chiffre d'affaires numérique qu'ils réalisent en France depuis le 1er janvier 2019, la mesure étant rétroactive. "Ces groupes sont majoritairement américains, mais aussi chinois, allemands, espagnols ou encore britanniques", a précisé Bruno Le Maire. "Il y aura également une entreprise française et plusieurs autres sociétés d'origine française, mais rachetées par des grands groupes étrangers".
En plus des Gafa (l'acronyme de Google, Amazon, Facebook et Apple), le gouvernement cible les grandes entreprises du secteur comme Airbnb, Microsoft, Netflix, Uber, Booking, Ebay et même le spécialiste français du ciblage publicitaire Criteo, valorisé 1,7 milliard de dollars. La liste exhaustive n'a pas été communiquée.
La taxe Gafa vise deux grands secteurs. En premier lieu, les plateformes numériques qui touchent une commission pour mettre en relation des clients et des entreprises. "Une entreprise qui met en vente sur son site Internet ses propres marchandises n'aura pas à s'en acquitter", a précisé le ministre. Fnac-Darty et CDiscount devraient ainsi échapper à la taxe. Darty vend ses téléviseurs ou ses lave-linge sur son site Internet, il ne s'agit pas de mise en relation entre deux internautes. En revanche, quand Amazon est rémunéré comme intermédiaire numérique entre un producteur et un client, là, ce sera taxé".
Le gouvernement vise aussi le ciblage publicitaire, la personnalisation des publicités en fonction des sites fréquentés par les internautes, et l'achat de données personnelles à des fins publicitaires. La France souhaite "bâtir la fiscalité du XXIe siècle, celle qui repose sur la valeur qui existe aujourd'hui, les données". Il est impératif de taxer les données pour avoir un système fiscal efficace", a assuré le ministre.
Bercy a imaginé des leviers pour limiter l'impact de la taxe Gafa sur les entreprises françaises. Un double seuil a été établi pour déterminer quelles entreprises sont concernées par l'impôt. La taxe touchera les très grandes entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires d'au moins 750 millions d'euros dans le monde et de 25 millions d'euros en France. Ces seuils permettront d'épargner les start-up. Mais des champions français comme Le Bon Coin et SoLocal (ex Pages Jaunes) remplissent toujours les conditions. Et BlaBlaCar pourrait les atteindre à moyen terme.
Alors le gouvernement a aussi prévu un mécanisme de déduction d'impôt pour les entreprises "vertueuses", comprendre : qui règlent leurs impôts dans l'Hexagone. "Le montant acquitté sera déductible du résultat comptable sur lequel est calculé l'impôt sur les sociétés", a précisé Bruno Le Maire. "Cela aura pour effet de réduire jusqu'à un tiers du montant de cette taxe pour les entreprises qui paient leurs impôts en France".
La taxe Gafa est loin de faire l'unanimité. Les grandes entreprises du secteur se disent favorables à une réforme de la fiscalité. Mais elles ne cautionnent pas la voie empruntée par la France, en dehors des traités internationaux. L'Association des services internet communautaires (Asic), qui comprend des géants du Web comme Facebook et Google et des entreprises françaises, fustige une "taxe idéologique" qui répond davantage à des considérations politiques. Selon elle, la taxe aura un impact sur les consommateurs français car les entreprises pourraient répercuter son coût sur les clients.
Une fois déposé, le projet de loi passera par l'Assemblée nationale puis au Sénat avant de faire la navette parlementaire en vue d'être adoptée par les deux chambres. L'exécutif vise un vote de la loi courant 2019. Celle-ci à vocation à être temporaire. Lorsqu'un accord sera obtenu au sein de l'OCDE, les nouvelles règles fiscales internationales prévaudront sur la taxe française. Fin janvier, 127 États, dont les États-Unis, se sont engagés à trouver un accord international sur la question d'ici 2020.
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