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Nouvelle-Calédonie : qu'est-ce que signifie la Kanaky qui désigne ce territoire ?

Dans le sillage des révoltes indépendantistes qui émaillent l'archipel calédonien, émerge un nom : la Kanaky. Il s'agit de l'appellation donnée par les Kanaks à leur propre territoire. Mais d'où vient ce nom ?

Photo d'archives de Jean-Marie Tjibaou, président du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) lors d'une conférence de presse. Le leader indépendantiste kanak fut assassiné le 04 mai 1988.
Crédit : GABRIEL DUVAL / ARCHIVES / AFP
RTL VOUS EXPLIQUE - Qui sont les Kanaks ?
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Marie Zafimehy
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Une silhouette noire sur un fond jaune, rappelant une statuette devant le soleil. Des rayures bleu, rouge et vert. C'est le drapeau que l'on voit sur les images des révoltes indépendantistes qui ont lieu en Nouvelle-Calédonie depuis la nuit du samedi 13 au dimanche 14 mai. Né en 1984, ce symbole de la population Kanak, descendante des populations autochtones de l'archipel, s'accompagne d'un véritable projet de pays autonome : la Kanaky.

Car la Nouvelle-Calédonie ne s'appelle ainsi que depuis l'arrivée du navigateur James Cook sur l'archipel en 1774. La France, a ensuite colonisé ce territoire et gardé l'appellation. Face à cette histoire coloniale, les Kanaks revendiquent leur appartenance originelle à cette terre du Pacifique. C'est dans ce cadre qu'ils protestent contre la réforme constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale qui permettra aux habitants de Nouvelle-Calédonie présents depuis au moins de 10 ans d'obtenir le droit de vote aux élections du Parlement calédonien. 

Actuellement, le corps électoral de cette instance créée à la suite de l'accord de Nouméa se limite essentiellement aux électeurs inscrits sur les listes pour la consultation de 1998 et à leurs descendants. Cette restriction fait partie du processus d'autonomisation de ce territoire inscrit sur la liste des "territoires non-autonomes à décoloniser" de l'ONU, au même titre que la Polynésie française ou Gibraltar.

Ce que les indépendantistes Kanak ont toujours dit, proposé, c'était que cette identité ne soit pas fermée, que ce soit une identité ouverte et que les 'non-kanak' aient leur place dans ce pays

Mathieu Lopes, membre du groupe Kanaky de l'association Survie

Aujourd'hui, les indépendantistes Kanaks estiment que le dégel électoral prévu par la réforme constitutionnelle va à l'encontre des politiques mises en œuvres pour mener à l'indépendance de la Kanaky, nom de leur futur pays décolonisé. En élargissant le corps électoral, les Kanaks estiment être minoritaires sur leur propre territoire.

"Définissons d'abord une citoyenneté calédonienne ! On vote parce qu'on est citoyen et non le contraire", a ainsi martelé Victor Tutugoro, président de l'Union Progressiste en Mélanésie (UPM), un mouvement indépendantiste Kanak sur RTL mardi 16 mai. "Les jeunes qui commettent aujourd'hui l'irréparable ont la crainte que ces gens qui s'installent aient toutes les facilités à trouver du travail ou à s'insérer dans la société, alors qu'eux-mêmes, enfants du pays, n'y arrivent pas !"

L'idéal d'un pays indépendant et d'une citoyenneté Kanak remonte à 1984, date de création du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) dont fait partie l'UPM de Victor Tutugoro. Il s'agit d'un "projet ouvert", précise à RTL.fr Mathieu Lopes, membre du groupe Kanaky du réseau Survie. "Avec une spécificité quand même qui est au cœur de ce qui se passe actuellement, c'est que les indépendantistes kanaks ont toujours dit, proposé, que cette identité ne soit pas fermée, que ce soit une identité ouverte et que les 'non-kanak' aient leur place dans ce pays avec une citoyenneté kanak proposée aux gens qui ne sont pas kanaks eux-mêmes."

Le terme kanak, tel que nous l’avons adopté aujourd’hui, c’est aussi une prise de position par rapport à la colonisation

Jean-Marie Tjibaoui, leader indépendantiste

L'identité Kanak recouvre elle-même de nombreuses réalités différentes, qui ont été découpées en "aires coutumières" - zones géographiques avec chacune leurs particularités culturelles - par les accords de Matignon en 1988. "Je crois que c'est 26 langues différentes, estime Mathieu Lopes, donc c'est un groupe qui est très divers." Le terme "Kanak" est dès lors utilisé pour rassembler sous le même nom, les populations présentes sur le territoire avant la colonisation, tout en respectant les traditions spécifiques à chacune.

Dans un livre intitulé La Présence Kanak (éditions Odile Jacob, 1996), le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou détaillait l'origine de ce mot. "Kanak, ça veut dire 'homme' ; c’est un mot polynésien. Dans le mythe de Téin Kanaké, le premier des fils des ancêtres, c’est Kanaké ; c’est l’homme qui sort", expliquait-il.

Cette appellation, et celle qui en découle de Kanaky, est politique. "Le terme kanak, tel que nous l’avons adopté aujourd’hui, c’est aussi une prise de position par rapport à la colonisation. Nous avons été reconnus au début ; le capitaine Cook a fait la coutume aux gens qu’il a trouvés, les Kanaks. Puis, avec la colonisation, nous sommes devenus les 'sales Kanaks', avec les missionnaires nous étions les 'Mélanésiens'. (...) Nous sommes fatigués d’être baptisés différemment par des gens qui ne nous connaissent pas. Alors, nous avons décidé, à travers la revendication d’indépendance, que nous nous appellerions 'Kanaks' et que notre pays ce serait 'Kanaky'."

Dans son livre, Jean-Marie Tjibaou expliquait aussi la signification du drapeau Kanak. "Le vert, symbole de Kanaky, le vert du pays kanak. Le rouge, symbole de la lutte du peuple kanak, symbole de notre unité, de l’unité du FLNKS, du projet d’unité avec tous ceux qui accepteront la République de Kanaky. Le bleu de la souveraineté. Le soleil est aujourd’hui au rendez-vous, même s’il n’a pas toujours été aux rendez-vous de l’histoire du peuple kanak."

Jean-Marie Tjibaou est mort assassiné en 1989 lors de la commémoration de la prise d'otages d'Ouvéa. Il reste une figure importante de la vie politique Kanak, tout comme son épouse Marie-Claude, qui a été décorée de la légion d'honneur par le Président Emmanuel Macron lors de son voyage en terre Kanak en juillet 2022.

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