ÉDITO - Nouveau gouvernement : "Le pouvoir du RN est très précaire et circonstanciel", analyse Étienne Gernelle

Marine Le Pen montre ses muscles, mais il y a là une part de gonflette. Alors résumons ce qu’il faut désormais appeler l’affaire Antoine Armand – du nom du ministre de l’Économie. Épisode 1 : Armand dit qu’il ne recevra pour parler économie que les partis de l’arc républicain, excluant le RN. Épisode 2 : Le Pen proteste et menace implicitement de censure. Épisode 3 : Barnier recadre Armand et appelle Le Pen pour calmer le jeu.

Beaucoup en déduisent une emprise de Le Pen sur le gouvernement. À court terme, c’est vrai, et Barnier aurait pu faire preuve de plus de sang-froid. Sauf que ce pouvoir du RN est très précaire et circonstanciel. Lorsqu'on regarde les chiffres, le RN n’a pas le pouvoir de faire tomber à lui seul le gouvernement. Il ne le peut qu’en additionnant ses voix à celles du NFP. 

La différence, c’est que le NFP a annoncé sa volonté de censure. Sans cette position du NFP, le RN n’aurait évidemment pas ce pouvoir décisif. Quand Le Pen menace Barnier, elle profite de la situation, car elle sait que ce pouvoir pourrait un jour tomber.

Le RN pourrait être à nouveau marginalisé

Si le NFP explosait, qu’une partie de la gauche, et notamment les socialistes, se joignait à une coalition, il en serait fini de ce pouvoir du RN. En clair, le jour où le PS ne sera plus contrôlé par Olivier Faure et donc, par procuration, par LFI, le RN sera à nouveau marginalisé.

Mais surtout, cette affaire traduit aussi une inquiétude au RN. C’est un paradoxe, car il y a beaucoup de commentaires sur le caractère droitier de Bruno Retailleau, qui serait, selon certains, un signal adressé au RN. Alors que Retailleau est peut-être, à l’inverse, une menace pour le RN.

L’immigration et la sécurité, c’est son fonds de commerce, au RN. L’idée de perdre sa position dominante sur le sujet crée la panique. Le Pen, qui a en tête 2027 - a sans doute à perdre avec un Retailleau, qui incarnerait une certaine dureté ou fermeté. Ce qui pourrait expliquer son numéro de gonflette. Bref, si le gouvernement Barnier est fragile, le RN est aussi fébrile.