ÉDITO - Darmanin, Wauquiez : "Nos politiques préparent l'accession des populistes au pouvoir", selon Isabelle Saporta

Gérald Darmanin, le ministre de la Justice, a annoncé vouloir construire une prison de haute sécurité en Guyane que certains ont assimilé à un renouveau du bagne de Cayenne, bien que le garde des Sceaux nie tout lien.

Est-ce qu'on a tous le droit de jouer au concours de l'idée la plus démago ou est-ce que c'est réservé aux politiques ? Non, parce que là, en quelques semaines, on a eu le droit à Saint-Pierre-et-Miquelon pour les OQTF de la part de Laurent Wauquiez et à la réouverture ou plutôt la réinvention du bagne à Cayenne de la part de notre garde des Sceaux, Gérald Darmanin. 

La prochaine fois, on fait comme l'administration Trump ? On invente nous aussi une télé-réalité où on fait se battre des immigrés pour obtenir la nationalité française ? L'idée c'est quoi ? C'est d'apporter systématiquement une solution ahurissante à un vrai problème ? 

La version "wish" du populisme

Parce que oui, la société est gangrénée par la violence et le narcotrafic et oui, on manque cruellement de places de prison, 20.000 en gros. En Guyane, la surpopulation carcérale est de 225%. Ce néobagne à 400 millions d'euros comptera 500 places, mais seulement 60 pour le quartier sécurisé réservé aux narcotrafiquants et une quinzaine pour les détenus radicalisés. Autant dire pas lourd. Et puis on a plutôt intérêt à y mettre des trafiquants et des radicalisés locaux parce qu'on ose imaginer le coût pour envoyer des prisonniers de l'Hexagone aux confins de la jungle.

Tout cela me convainc d'une chose. À force de jouer avec nos peurs en brandissant la version Canada Dry des solutions outrancières des populistes, nos politiques préparent vraiment l'accession des populistes au pouvoir. Sans pour autant avoir résolu d'ici là aucun problème. Parce que quand Nayib Bukele, le président du Salvador, va en finir avec le narcotrafic, c'est pas un échantillon premium de 60 places sécurisées qu'il propose, non. C'est une rafle de 80.000 bandits jetés en prison dans des conditions effroyables, sans aucun respect de leurs droits. 

Autant dire que nos politiques, c'est la version "wish" du populisme, c'est-à-dire une très mauvaise imitation. Sauf que ces excès de démagogie, en fracturant chaque jour davantage notre état de droit, en distillant chaque jour une petite musique outrancière, font la courte échelle aux vrais populistes.