La République, c’est simple : un Président choisit un Premier ministre, le Premier ministre gouverne, et l’Assemblée vote les lois. Cette hiérarchie de la Ve république s’était largement tassée ces dernières décennies. Le Président était devenu depuis Nicolas Sarkozy l’hyper-Président : celui qui décide de tout, avec un collaborateur à Matignon et des députés aux ordres.
Mais la hiérarchie s’est inversée avec les dernières législatives : ça n’ira plus de haut en bas, mais de bas en haut. Il faut maintenant regarder si l'Assemblée adopte finalement des lois que le gouvernement a tenté, comme il pouvait, de négocier. Et le Président, tout en haut de la pyramide, doit revoir sa façon de faire. Il ne peut être ni celui qui décide de tout ni négociateur en chef.
Emmanuel Macron doit-il "prendre de la hauteur" comme on dit ? "Prendre de la hauteur", si j’avais mis un euro dans une boîte à chaque fois que j’avais entendu ou lu cette expression, je serais riche. Après, ce qui est vrai, c’est que des présidents se sont régulièrement un peu éloignés des affaires trop courantes, et ont promis de se contenter de donner le cap. Mais les rechutes ont été tout aussi nombreuses.
Que peut-il alors se passer ? Ce qu’il ne faut pas négliger, c’est que le nouvel équilibre n’est absolument pas stabilisé. Les oppositions hier ont rejeté le passe sanitaire aux frontières, l'article 2 de la toute première loi du quinquennat.
C’est cinglant pour le gouvernement mais il est trop tôt pour faire de cet évènement la preuve irréfutable que c’est ingouvernable, que nous allons tout droit vers la dissolution. L’Assemblée nationale, avec une très mauvaise cause (il s’agit de santé), a marqué son nouveau pouvoir de nuisance. Mais ça reste un pouvoir, de nuisance. Nous attendrons de découvrir les oppositions constructives. La majorité trop faible d’Emmanuel Macron ne peut pas non plus insulter tout le monde… Elle aura continuellement besoin d’appoint. Tout ça pour dire qu’il est bien trop tôt pour voir, dans ce qui s’est passé cette semaine, le nouveau paysage politique.
Nous n’allons pas toujours assister à des coups tordus contre Emmanuel Macron. Le RN, la Nupes, et une bonne part des LR ne seront pas toujours alignés. À d’autres moments, la coalition d’Emmanuel Macron trouvera des soutiens, à géométrie très variable. Autre élément qu’il ne faut pas négliger, le Sénat va aussi jouer une partition un peu différente. En combines, les sénateurs ne sont pas mauvais non plus.
Et Emmanuel Macron dans tout ça ? Tout ce qu’il pourra lancer, aujourd’hui notamment, et qui dépend du parlement, sera par définition plus aléatoire. Le résultat ne sera jamais acquis. Sur le budget, sur une nouvelle réforme de l’assurance-chômage pour inciter plus promptement à reprendre un travail, sur la réforme des retraites, sur l’énergie… Emmanuel Macron ne peut plus être celui qui décide comme si c’était déjà fait. Son pouvoir est atténué… Il doit trouver une nouvelle façon de répondre aux attentes des Français, qui sont restées intactes.