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PODCAST - Emmanuel Macron est-il de droite ou de gauche ?

François Lenglet et Martial You livrent leur analyse de la pensée économique d'Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron, à Bruxelles, le 23 juin 2022
Emmanuel Macron, à Bruxelles, le 23 juin 2022
Crédit : JOHN THYS / AFP
DÉBAT YOU ET LENGLET - Emmanuel Macron est-il de droite ou de gauche ?
00:17:13
Marie-Pierre Haddad

C'est quoi être macroniste en économie ? Depuis son premier quinquennat, l'ADN politique d'Emmanuel Macron fait l'objet de nombreuses questions. Quelle est sa vision ? Quelles réformes envisagent-ils ? Quelles sont ses relations avec le monde de l'entreprise et les partenaires sociaux ? Le président de la République refuse de se définir. Le 8 avril 2022 sur RTL, deux jours avant l'élection présidentielle, il indiquait avoir un projet qui s'inscrit dans "le dépassement". "Ce que je cherche à faire, c'est être juste et efficace pour le pays", a-t-il ajouté.

Ni de droite, ni de gauche ? Ou de droite et de gauche ? Emmanuel Macron a plusieurs facettes. L'éditorialiste de RTL François Lenglet débat face à Martial You, chef du service économie de RTL, sur ce sujet. Emmanuel Macron, est-il de droite ou de gauche ? 

François Lenglet place Emmanuel Macron au centre-droit. "C'est un peu l'équivalent moderne de Giscard d'Estaing. Il s'inscrit dans une formule des sociaux démocrates allemands au moment de leur congrès fondateur en 1959 : 'Le marché autant que souhaitable et l'État autant que nécessaire'. C'était un peu en même temps avant l'heure", explique-t-il. Mais Emmanuel Macron dispose d'une autre composante bien française. "C'est un étatiste à bloc", ajoute-t-il.

Avec les 'gilets jaunes', Macron a abandonné ce dogme de droite

Martial You

Martial You observe, quant à lui, une évolution de la politique économique du chef de l'État. "Si on prend le début du premier quinquennat, on a commencé à droite. C'est l'époque où on parlait d'un président des riches, où il a supprimé l'ISF et baissé les charges, explique-t-il. Cela a basculé assez vite avec les 'gilets jaunes', fin 2018".

Pour lui, il s'agit là du "coup d'envoi du quoi qu'il en coûte. On enclenche quelque part un temps deux, beaucoup plus à gauche, beaucoup plus dans le soutien public, beaucoup plus dans la dérégulation. Avec les 'gilets jaunes', on abandonne ce dogme de droite et on bascule vers une politique très à gauche, très sociale, très dans l'aide publique. On abandonne le Macron de droite". 

Un effet boule de neige avec la loi pouvoir d'achat ?

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Le premier projet de loi qui va arriver à l'Assemblée est celui du pouvoir d'achat. Prix du carburant, tarifs réglementés du gaz aussi, pensions de retraite... Qu'est ce que cela traduit d'Emmanuel Macron ? "Quel que soit le problème, il tape dans la caisse. L'unité de base, c'est la dizaine de milliards, estime François Lenglet. Sur le fond, que ce soit momentané, pourvu que ce soit réservé aux plus faibles, pourquoi pas. Mais ce qui me choque, c'est que ce n'est pas à l'État de compenser les dégâts de l'inflation, sinon de façon transitoire. C'est aux entreprises de payer le travail et aux entreprises d'indexer ou non les salaires". 

"La conjoncture a donné une bonne excuse à Emmanuel Macron pour pouvoir taper dans la caisse", analyse Martial You. "J'ai peur qu'on ait enclenché un mouvement sur lequel on ait du mal à revenir. Cette loi pouvoir d'achat nous fera une petite dizaine de milliards, en plus des 25 à 30 milliards qui ont déjà été évoqués depuis le mois d'octobre dernier. Donc on atteint des niveaux qui sont stratosphériques. À un moment, il va falloir redescendre", craint-il. 

Et d'ajouter : "Avec l'Assemblée nationale telle qu'on l'a, cette loi ne sera pas un pugilat. J'ai plutôt le sentiment qu'au contraire, cela va être une espèce d'énorme tout qui va nous coûter encore plus cher parce qu'il va falloir aller piocher les idées des uns et des autres. On baissera peut-être la TVA pour faire plaisir au RN, on va peut-être bloquer les prix pour LFI. Pourquoi pas payer les RTT puisque c'est ce que demandent Les Républicains".

La réforme des retraites, un instrument politique ?

L'autre grande mesure du quinquennat, c'est la réforme des retraites. Emmanuel Macron avait déjà voulu la faire lors du premier mandat. Elle avait été reportée avec la crise du Covid. Et là encore, c'est assez compliqué de comprendre la vision d'Emmanuel Macron, que ce soit sur le fond et la forme. "Ce que je dis, c'est qu'il faut, pour être sociale, améliorer les retraites", a-t-il déclaré. À quoi va ressembler cette réforme des retraites ?

"C'était un peu l'Arlésienne sur le premier quinquennat, estime Martial You. Lors du premier discours d'Emmanuel Macron après les législatives, le président a affiché ses grands objectifs, les grands dossiers à mener avec cette assemblée un peu compliquée à piloter et... pas un mot sur sur la retraite. La mère de toutes les réformes, il y a encore quelques semaines, a disparu totalement du discours. Je suis curieux de savoir ce que cela peut donner". 

Emmanuel Macron doit-il oublier la réforme des retraites ? "Oui, c'est l'analyse des conditions politiques. Avec les résultats des législatives, il y a un message personnel qui lui a été adressé : 'Ne touchez pas aux retraites'. C'est le seul qu'il a entendu jusqu'ici à ce jour. Souvenez vous, il nous sort de son chapeau la retraite à 65 ans, le report de l'âge légal, qui était déjà une nouveauté par rapport au dernier projet envisagé. Celui-là même qui tablait sur l'âge pivot qui était déjà une nouveauté par rapport au programme initial de 2017. On a connu déjà plusieurs versions. Il se sert de la retraite comme d'un instrument politique. Lui même n'a probablement pas de convictions très fermes là dessus. Donc, on a eu la réforme de la retraite, maintenant c'est la retraite de la réforme"

Quel rôle pour le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire ?

Emmanuel Macron a gardé le même ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, entre le premier et le deuxième quinquennat. Il est à la tête d'un super ministère : ministre de l'Économie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et du Numérique. "Je pense que là encore, c'est très politique. Et si vous voulez, dans toutes les démocraties, on voit apparaître le désir de reprendre le contrôle. C'est tout à fait juste qu'il a pris un poids croissant au fil du quinquennat. D'abord parce qu'il est bon. Deuxièmement, parce qu'il a eu aussi des circonstances exceptionnelles. Normalement, c'est l'homme qui dit non. Il est devenu l'homme qui dit oui tout le temps et c'est plus confortable. S'il y a un pont à établir avec la droite, évidemment, la droite considère qu'il a trahi la droite. Mais mais quand même, c'est un homme de sensibilité, de centre droit, avec une bonne expertise politique. Il est élu, il a fait cinq mandats de député, il sait de quoi il parle. Donc, au-delà même de ses ambitions personnelles qui sont manifestes, c'est probablement un homme dont le poids va compter de plus en plus", analyse François Lenglet.

Pour Martial You, "sans rien enlever à Bruno Le Maire, il y a un petit problème de banc de touche à La République En Marche. D'un seul coup - c'est le sentiment que j'ai eu en discutant avec lui au fil des années - j'ai cette impression qu'il s'est dit : 'Mais je peux avoir un rôle encore plus important en étant super ministre de l'Économie'", ajoute-t-il. "Son discours est de dire qu'il vaut mieux avoir un énorme portefeuille sur lequel on peut jouer de A à Z sur la politique économique plutôt que d'être une sorte de courroie de transmission ou un fusible, en étant à Matignon. Mais quelles seront ses marges de manœuvre ? Ce n'était pas difficile de dire oui. Ça va peut être être plus compliqué de dire non", conclut Martial You.

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