ÉDITO - "Amélie Oudéa-Castéra a redonné aux profs l'envie de manifester", selon William Galibert

Les enseignants sont appelés à la grève et à manifester partout en France, ce jeudi 1er février, pour "lancer un avertissement" au gouvernement sur les conditions de travail, les salaires et l'école publique. Une "colère" attisée par les déclarations de leur ministre Amélie Oudéa-Castéra. Cette grève, c’est la toute première pour la ministre de l'Éducation nationale. Est-ce son baptême du feu ?

En effet, c'est ce qu'on pourrait appeler une grève de bienvenue. C'est l'équivalent d'une journée d'intégration pour leur nouvelle patronne : "Oh une grève, c'est sympa d'y avoir pensé, mais il ne fallait pas se donner autant de mal". Et bien si, ils sont comme ça les profs, ils font tout pour que leur nouvelle ministre se sente comme à la maison et cette grève, elle est spécialement dédiée à Amélie Oudéa-Castéra.

Une grève prévue depuis fin décembre

Si j'osais, je dirais même que sur ce coup-là les syndicats peuvent la remercier. Cette grève était prévue depuis longtemps, depuis fin décembre. Un siècle : Elisabeth Borne était encore à Matignon et le ministre s'appelait Gabriel Attal.

Mais les revendications étaient un peu diffuses, les salaires, les conditions de travail... Rien de neuf. Sans l'arrivée fracassante de leur nouvelle ministre, ça aurait à peine fait une ligne dans les journaux.

En seulement trois semaines, Amélie Oudéa-Castéra, a redonné aux profs l'envie de manifester. Elle a fait mieux que Jean-Michel Blanquer en cinq ans, elle les a survoltés. Elle les a ressoudés. 

De plus en plus de voix dans son camp sont moins compatissants.

William Galibert

Elle a relancé le débat public / privé en mentant sur les raisons de ses choix familiaux et des archives où elle se plaignait de son salaire de 500.000 euros à la fédération de tennis ont refait surface.

Elle est devenue le diable incarné en salle des profs, donc oui si la journée de grève est très suivie, ce sera avant tout grâce à la ministre ! Et elle paraît totalement embourbée dans les polémiques. Mais de plus en plus de voix dans son camp, y compris des collègues ministres qui la plaignaient au début, sont beaucoup moins compatissants.

Polémique sur polémique

À chaque fois que Matignon lui a demandé de se taire, de faire profil bas, d'essayer de passer à autre chose, elle a remis une pièce dans la machine toute seule comme une grande. Rebelote avant-hier soir, elle a lâché : "On voudrait faire de moi le symbole d'une caste privilégiée à combattre, à abattre". 

Elle a dit ça lors de ses vœux devant le comité olympique français où rien ne l'obligeait à aborder encore une fois ses déboires. Elle se sent injustement attaquée, ce qui vient encore plus brouiller les mea culpa et les excuses qu'elle a elle-même formulés ces derniers temps.

"La Castera" n'a pas beaucoup d'avocats

William Galibert

Pourquoi est-elle encore en poste ? Faisons le tour d'horizon. Gabriel Attal voulait cumuler premier ministre et ministre de l'Éducation, et elle a cassé en une phrase, six mois de relations tissées avec les syndicats, donc du côté de Matignon, "la Castera" comme ils l'appellent, n'a pas beaucoup d'avocats.

Coté majorité non plus. "On peut la sacrifier, l'opinion publique s'en remettra", me disait une figure du parti présidentiel qui plaide pour son remplacement. Mais Amélie Oudéa-Castéra a un atout majeur dans sa manche : c'est le président de la République.

Emmanuel Macron l'avait même félicitée pour ses mots sur les heures de cours non remplacées. Depuis, il est moins enthousiaste mais il ne lâche jamais ses troupes dans les moments de tempête. Il ne veut pas faire ce cadeau aux syndicats et aux oppositions. "Il défend toujours l'indéfendable", me résumait l'un de ses proches. La ministre de l'Éducation nationale lui doit d'avoir tenu jusqu'à cette première journée de grève.

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