"C’est une injure à l’État de droit" : Éric Dupond-Moretti dénonce le "système de défense" adopté par Nicolas Sarkozy

L’ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, réagit avec fermeté aux attaques de Nicolas Sarkozy contre la justice, après l’incarcération de l’ex-président à la prison de la Santé. Dans un entretien accordé à La Montagne, il dénonce une "dérive inquiétante" et un "discours indécent" portant atteinte à l’État de droit.

Ce mardi 21 octobre, Nicolas Sarkozy a franchi les portes de la prison de la Santé, sous les acclamations de centaines de partisans scandant "honte à la justice". Une scène qu'Éric Dupond-Moretti dit observer avec "tristesse". "Voir un ancien président de la République partir en prison, c’est d’abord une image triste pour notre pays. Personne ne peut s’en réjouir, qu’on aime Nicolas Sarkozy ou qu’on le déteste", confie-t-il.

Mais ce qui le "chagrine surtout", poursuit-il, c’est "la présentation indécente" faite du jugement, qualifié par l’ancien chef de l’État de "vengeance" d’une magistrate. "Dire que la présidente du tribunal correctionnel aurait agi par haine, c’est insupportable", dénonce l’ancien ministre de la Justice.

"Démolir la justice, c’est inquiétant"

Pour Éric Dupond-Moretti, les propos de Nicolas Sarkozy mettent en danger la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire. "Chaque justiciable de ce pays pourrait, s’il n’est pas content d’une décision, dire : 'la justice est pourrie, le juge me déteste'. C’est très grave", alerte-t-il. "Que Nicolas Sarkozy conteste le droit, qu’il fasse appel, c’est son droit le plus absolu. Mais démolir l’institution judiciaire dans son ensemble, sans discernement, c’est inquiétant."

Alors que l’ancien chef de l’État évoque un "complot", une "vengeance" et un "scandale judiciaire", Éric Dupond-Moretti s’étonne de tels mots dans la bouche d’un ex-président. "Je comprends qu’il clame son innocence, c’est son droit. Mais qu’un ancien président, qui a été garant de l’indépendance de la justice, tienne de tels propos, ce n’est pas possible", insiste-t-il. "Si un juge était réellement guidé par la haine, il devrait être immédiatement destitué. Mais ce n’est pas comme ça que les choses se passent."

"On a parfois l’impression de vivre chez Trump"

Éric Dupond-Moretti

Le ton monte encore lorsqu’il évoque ce qu’il appelle le "système de défense" de Nicolas Sarkozy. "Il y a là quelque chose de spectaculaire qui me dérange infiniment. On a parfois l’impression de vivre chez Trump", déplore-t-il. "J’observe d’ailleurs que Nicolas Sarkozy adopte le même système de défense que celui de Marine Le Pen. C’est une injure à l’État de droit, dont on a pourtant besoin !"

Interrogé sur les liens entre le pouvoir politique et la justice, Emmanuel Macron ayant reçu Nicolas Sarkozy à l’Élysée avant son incarcération, et Gérald Darmanin annonçant vouloir lui rendre visite, Dupond-Moretti rejette toute suspicion d’influence.

"Le juge n’est pas un citoyen différent des autres. Il a ses convictions, parfois syndicales ou politiques, mais il rend la justice en toute indépendance", assure-t-il. Pour l’ancien garde des Sceaux, attaquer la justice revient à affaiblir l’un des piliers de la démocratie : "L’État de droit, c’est ce qui nous protège tous. Le remettre en cause, c’est dangereux."