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"Vous rentrez dans la tête de Joël Le Scouarnec" : avocate de victimes du chirurgien pédocriminel, elle raconte sa "nausée" à la lecture de ses "carnets noirs"

PODCAST - En mai 2025, le chirurgien Joël Le Scouarnec a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour des faits de violences sexuelles sur 299 victimes. Dans "Les Voix du crime", l'avocate Marie Grimaud raconte son travail auprès des parties civiles - 40 - qu'elle représentait lors du procès.

Marie Grimaud, avocate de 40 victimes de Joël Le Scouarnec.

Crédit : Thierry Zoccolan / AFP

Affaire Le Scouarnec : l'avocate Marie Grimaud raconte comment elle a accompagné des dizaines de victimes du chirurgien pédocriminel

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Marie Zafimehy

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L'avocate Marie Grimaud se souvient très bien du moment où elle a découvert les "carnets noirs" de Joël Le Scouarnec. "J'étais enceinte", confie celle qui est devenue conseil de 40 parties civiles au second procès de ce chirurgien pédocriminel. Dans ses écrits, le médecin, condamné en mai 2025 à 20 ans de réclusion criminelle, détaillait les sévices sexuels infligés à ses patients dans plusieurs hôpitaux de la région bretonne

À l'intérieur : les noms, âges et détails de ses agressions, datant des années 1980, 1990 et 2000. “Tout en fumant ma cigarette du matin, j'ai réfléchi au fait que je suis un grand pervers. Je suis à la fois exhibitionniste (...) voyeur, sadique, masochiste, scatologique, fétichiste (...), pédophile. Et j'en suis très heureux”, écrit par exemple Joël Le Scouarnec dans l'un de ses carnets, le 10 avril 2004.

"Ça a été un moment compliqué", explique Maître Grimaud, invité des Voix du crime, le podcast hebdomadaire de RTL. "Parce qu'hormonalement parlant, c'était déjà pas simple, mais compliqué aussi parce que ça a suscité près de quatre jours de lecture."

Quatre jours passés à se partager les carnets avec son associé qui est aussi son mari. "C'est une lecture qui très vite vous amène à de la nausée parce que, et c'est le côté inédit de ce dossier, vous rentrez totalement dans la tête de Joël Le Scouarnec", explique-t-elle. Amateur d'opéra et de culture classique, le chirurgien pédocriminel "a une écriture en plus parfois assez littéraire, peu de fautes, il manie avec une certaine musicalité, je dirais, ces récits". 

"C'est une plongée en apnée"

Le quotidien de ces quatre journées passées à examiner les carnets se déroule au rythme de son phrasé. "Vous fermez votre cabinet à 19h le soir, vous rentrez chez vous, et vous avez tous ces mots en vous. La nuit, vous avez ces mots. C'est une plongée en apnée où il faut avoir la capacité et l'entourage nécessaires pour pouvoir en sortir." Pendant cette période, son cabinet, spécialisé sur les violences sexuelles et les violences faites aux enfants, a été accompagné par un thérapeute.

À certains moments, j'arrivais à identifier quelque chose qui revêtait une forme davantage de sadisme.

Me Marie Grimaud

À l'époque, Marie Grimaud défend déjà les intérêts de parties civiles dans le premier volet de l'affaire Le Scouarnec : quatre enfants de son entourage l'accusent d'agression sexuelle. C'est dans le cadre de cette enquête que ces "carnets noirs" sont retrouvées lors d'une perquisition à son domicile. Joël Le Scouarnec sera finalement condamné pour cette première affaire en 2020 à 15 ans de réclusion criminelle. 

Pour préparer le second procès qui s'ouvre en février 2025 avec 299 parties civiles retrouvées grâce à ces carnets, Maître Grimaud décide de mettre ces écrits à distance. "Je vais très peu, sur les cinq années qui vont suivre, m'y remettre", confie-t-elle. Associés aux récits de ses clients, ils lui ont néanmoins permis d'affiner sa compréhension du dossier. 

La volonté "d'anéantir" l'enfant victime

"Tantôt, il y avait un versant d'une très forte excitation sexuelle qu'il arrivait à retranscrire dans ses journaux pour tel ou tel enfant", explique-t-elle. "Mais à certains moments, j'arrivais à identifier quelque chose qui revêtait une forme davantage de sadisme plutôt que d'une pure sexualité recherchée (...) et en discutant au fur et à mesure du temps avec mes clients, j'ai pu mesurer la concordance entre ce qui pouvait relever de l'excitation sexuelle et ce qui relevait du sadisme et donc de la volonté de détruire l'enfant."

On aurait pu finalement retenir des actes sadiques

Me Marie Grimaud

Aujourd'hui, l'avocate en est persuadée : pour certaines victimes, les qualifications pénales auraient pu être tout autre. "On aurait pu finalement retenir des actes sadiques", estime-t-elle. "Soit sur une qualification de violence psychologique extrêmement importante, soit carrément sur une forme d'actes de barbarie, parce qu'il y avait une véritable volonté de faire mal, de salir, d'anéantir l'enfant parce qu'il ne lui plaisait pas, parce qu'il était 'moche' - des termes même de Joël de Scouarnec - à la différence d'autres enfants qui avaient une version plus fétichiste." 

Une différence qui se retrouve selon elle dans le tableau clinique des traumatismes de ses clients : certains présentent des symptômes typiques d'un traumatisme sexuel, d'autres se rapprochent davantage d'un traumatisme lié à des violences sadiques. Tous sont regroupés aujourd'hui au sein d'un collectif : le collectif de victimes de Joël Le Scouarnec. Marie Grimaud continue son travail à leurs côtés, puisqu'elle a été désignée comme leur avocate.

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