"S'ils pouvaient parler, il ne mettraient pas le feu" : que se passe-t-il dans la tête des pyromanes ?

Que se passe-t-il dans la tête des pyromanes ? Le procès d’un pompier volontaire accusé de sept départs de feu devait débuté ce vendredi 19 septembre au tribunal judiciaire de Tours, mais a été pour la seconde fois renvoyé à une date ultérieure.

RTL s'est plongé dans la psychologie de ces incendiaires en série. Les personnes condamnées, diagnostiquées pour ce trouble mental, ne s’expriment quasiment jamais. Nous avons contacté une dizaine d’avocats, de familles, de proches de pyromanes et à chaque fois la même réponse : "Je n’ai rien à dire". C’est aussi ce qu’il se passe à la barre des tribunaux, les vrais pyromanes nient ou arguent ne pas se souvenir des faits, mais surtout n’expliquent jamais les raisons profondes de leur geste.

"Ils ne peuvent pas mettre des mots sur leur acte. Ils ne sont pas conscients de leur acte. Justement, s'ils pouvaient parler, ils n'auraient pas besoin de mettre le feu. Ils mettent le feu parce qu'ils ne peuvent pas s'exprimer", explique Florence Herbold, avocate à Bordeaux, qui en a défendu plusieurs.

Des personnalités clivées

"Ce qui va être assez spécifique pour le pyromane, c'est que comme tous les 'manes' (toxicomane, kleptomane...), c'est quelqu'un qui a une espèce d'addiction à une excitation qu'il retrouve en mettant le feu", selon le psychiatre Pierre Lamothe. 

Également criminologue, ayant dirigé un institut médico légal pendant une dizaine d'années, le Dr Pierre Lamothe évoque des personnalités clivées. "Une partie de la personnalité est normale et l’autre soumise à des pulsions incontrôlables, souvent dues à une relation détériorée avec ses parents".

Les causes : "Souvent un abandon paternel ou un sentiment d'impuissance, parfois d'impuissance sexuelle aussi", énumère Me Herbold. "Le feu, c'est une manière de retrouver le pouvoir. C'est ce qui permet de se chauffer, de faire fuir les bêtes dans la Préhistoire, de cuire les aliments". Celui qui détient le pouvoir est toujours plus fort avec la flamme, avec le feu", poursuit-elle.

Une impulsion difficile à soigner

Les pyromanes sont des hommes à 99,9%. Ils ne carbonisent jamais le jardin de leur voisin ou la voiture de leur patron. Contrairement aux incendiaires, ils n'agissent pas par vengeance et ne revendique pas leurs actes, leur motivation se contient plutôt dans la pulsion de détenir un grand pouvoir de destruction. Ce trouble mental n'est plus reconnu comme une maladie depuis quelques années. Il demeure difficilement soignable, le diagnostic étant déjà compliqué à poser, mais constitue une circonstance atténuante face au juge, une fois validé par un médecin. 

Pas d’explications franches, peu de regrets, une justice qui ne les épargne pas : les pyromanes écopent souvent de peines de prison ferme dès leur premier jugement. "En quarante ans de carrière, j'en ai traité plusieurs, mais je pense n'en avoir vraiment guéri qu'un. Un seul. Les autres sont restés avec une espèce de rancœur, d'excitation interne, prêts à repartir", confie Pierre Lamothe.

Le schéma classique reste une multitude de petits départs de feux, sans victime, sans grands dégâts. Aucun des grands feux de cet été n’a été déclenché par de vrais pyromanes, dont la proportion est surreprésentée chez les pompiers amateurs.

Des pyromanes dans les rangs des soldats du feu

Le pompier pyromane n’est pas seulement un cliché. Les recruteurs des sapeurs-pompiers s’y penchent de plus en plus pour les repérer dans leurs rangs avant qu’ils ne passent à l’acte. Les exemples sont nombreux : Saint-Jean-de-la-Blaquière (Hérault) en 2022, Simandre (Saône-et-Loire) en 2024, Serres et Neuvaches (Hautes-Alpes) cet été… Des séries d’incendies déclenchées frénétiquement par des soldats du feu.

Une menace prise de plus en plus au sérieux. Eric Brocardi, porte parole des sapeurs-pompiers de France : "Ce que l'on peut détecter chez eux, c'est leur arrivée très rapide sur une intervention, avoir une activité présentielle trop récurrente face à des déclenchements d'incendie, que ce soit en civil ou en mode pompier. Ça va être effectivement une fascination du feu dans les premiers mots et les premières analyses des entretiens de recrutement, ce qu'on peut parfois appeler la programmation neurolinguistique. C'est-à-dire à un moment donné, dans son comportement, dans les mots qu'il va employer, on va essayer avec des pompiers expérimentés et des médecins, de détecter si oui ou non il peut-être catégorisé potentiel incendiaire ou pyromane", décrit le commandant. 

Dernier cliché à éviter : les pompiers pyromanes ne déclenchent jamais d’incendie pour une prime d’intervention, car ils sont payés 10,40 euros de l’heure lorsqu'ils combattent le feu. Ils le font plutôt pour la satisfaction de toute puissance, d’éteindre les flammes, d'être mieux considéré dans leur vie, et pour tenter de réparer leur amour propre souvent réduit en cendre depuis leur adolescence.   

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