L'"arnaque au président", en vogue en ce moment, consiste à usurper l'identité d'un chef d'entreprise. Sébastien Pagani, PDG d'Avona, en a été victime. Afin de démasquer les malfaiteurs qui ont tenté de lui dérober 270.000 euros, il s'est transformé en enquêteur.
"Je suis tombé des nues devant l'absence de moyens d'action" de la police contre la cybercriminalité, explique le PDG d'Avona, une société de prêt-à-porter féminin d'environ 80 employés, basée en banlieue de Villefranche-sur-Saône dans le Rhône.
Il explique que le 8 avril, la responsable comptable d'Avona reçoit un email semblant provenir de lui : "Me Bertrand vous a-t-il contacté ?". L'adresse de l'émetteur est en fait subtilement différente de celle du chef d'entreprise. Quelques minutes après, un homme se présentant comme Me Bertrand appelle la comptable. Il lui demande d'effectuer une opération bancaire "urgente" en vue de l'achat d'une entreprise hongroise.
"Il l'a mise en confiance : il connaissait parfaitement le fonctionnement de l'entreprise. Il lui a affirmé que je l'avais mandaté", raconte le PDG piégé. La comptable prend le temps d'en discuter ensuite par mail avec la personne qu'elle croit être son patron et qui valide évidemment la transaction en lui demandant de n'en parler à personne d'autre.
"Dans ce type d'arnaque, la transaction est toujours non planifiée, urgente et confidentielle. Au préalable, les escrocs font une enquête très poussée sur l'entreprise pour que tout paraisse crédible", indique Sébastien Pagani. Le lendemain, lorsque le chef d'entreprise est informé par son banquier de deux virements de 135.000 euros à destination de la Hongrie, il pense d'abord avoir été piraté. Toutefois, lorsque sa comptable assure que c'est bien lui qui a donné l'ordre d'effectuer ces virements conséquents, il a immédiatement réalisé qu'il avait été victime d'une "arnaque au président".
En France, ce type d'escroquerie a connu un pic dans les années 2013-2014 avant de connaître un regain depuis la crise sanitaire liée à l'épidémie de coronavirus. "Grâce à la réactivité de sa banque", le PDG est parvenu à bloquer les mouvements et à récupérer son argent. En outre, il demande à sa comptable de poursuivre ses échanges avec les malfaiteurs, afin de récolter un maximum d'informations.
Mais le chef d'entreprise "tombe des nues" lorsque les policiers assurent ne pas pouvoir prendre les malfrats en flagrant délit sans le feu vert d'un magistrat. "On agit en fonction de ce que l'on peut faire légalement. Les infiltrations sont très encadrées", explique Judicaële Ruby, cheffe de la division de lutte contre la criminalité financière à Lyon.
Je ne supporte pas les tricheurs
Sébastien Pagani
C'est alors que Sébastien Pagani, ingénieur informatique de formation, se met en tête de traquer ses escrocs lui-même. "J'ai envoyé des virus et des mouchards par mail pour les localiser. Ce sont des méthodes désuètes mais c'est toujours mieux que rien puisque j'ai réussi à identifier l'entreprise utilisée par les escrocs" en Hongrie.
Le chef d'entreprise a transmis ces informations au commissariat de Villefranche-sur-Saône, où sa plainte a été enregistrée. Désormais, il attend le transfert de son dossier vers une juridiction mieux armée contre ce type de criminalité. Sébastien Pagani a également déposé une autre plainte en Hongrie. "Je ne veux pas les lâcher. Je ne supporte pas les tricheurs, et quand je vois que l'arbitre ne fait pas son travail, j'utilise des moyens privés pour le faire", explique-t-il.
La police judiciaire assure pour sa part que ce genre d'affaires nécessite une coopération internationale "compliquée", rendue encore plus délicate par les "techniques d'anonymisation minutieuses" utilisées par les escrocs. "Ce que l'on fait c'est surtout de la prévention, pour dire au comptable d'être très attentif parce que la faille est humaine avant d'être technique", rappelle la cheffe de la division de lutte contre la criminalité financière à Lyon.
Pour encore plus de sécurité, le chef d'entreprise a installé un nouveau système informatique pour se protéger de ce type d'arnaque. "Au-delà du préjudice financier, il y a un préjudice moral. Cette affaire a affecté une grande partie des effectifs. Ma comptable est encore sous le choc", a-t-il confié.
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