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RÉCIT RTL - "C’était une tronçonneuse son truc" : 7 minutes pour braquer le Louvre, le casse du musée raconté minute par minute

Sept minutes pour déjouer la sécurité du plus célèbre musée du monde et dérober des joyaux d’une valeur inestimable. Avant le dimanche 19 octobre, ce scénario correspondait plutôt à l’intrigue d’un film d’action.

7 minutes pour braquer le Louvre

Nathan Laporte & La rédaction de RTL

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Il est 9h30, ce matin du dimanche 19 octobre, quai François-Mitterrand. D’un côté, la Seine ; de l’autre, le Louvre, qui a ouvert ses portes trente minutes plus tôt. C’est là, à l’extrémité est de l’aile Denon - du nom du premier directeur du musée - que s’arrêtent trois véhicules : deux scooters conduits par deux hommes, et un camion monte-charge avec deux autres individus à bord

Le premier porte un gilet orange, le second un gilet jaune.  Avant de passer à l’action, les malfrats sécurisent la zone avec des cônes fluorescents. Les quatre individus ont choisi, pour rester discrets, non pas d’agir en pleine nuit, mais de miser sur des tenues d’ouvriers pour se fondre dans la circulation.

Le camion monte-charge qu'ils utilisent est un élément crucial de l’enquête. Il s’agit en réalité d’un véhicule volé une dizaine de jours plus tôt, maquillé pour passer inaperçu. "Il n’y a pas eu de violence du tout au moment du vol de ce véhicule", a expliqué Laure Beccuau, procureure de la République de Paris, mardi sur RTL. "Il y a eu une pseudo-location sur un prétendu déménagement. L’un des employés de l’entreprise s’est retrouvé confronté à deux hommes menaçants, mais qui n’ont usé à son encontre d’aucune violence."

L'homme a porté plainte à Louvres, dans le Val-d’Oise. "La coïncidence est troublante";  note la magistrate. C'est bien ce monte-charge, volé à Louvres, qui se retrouve quelques jours plus tard au pied du musée... du Louvre. Il va permettre à deux des braqueurs d’accéder au premier étage.

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Avec des disqueuses, ils s’attaquent à une fenêtre. "Toute la difficulté avec ces fenêtres, c'est qu'elles sont classées MH", témoignait Élise Muller, surveillante en salle au Louvre, au lendemain du braquage sur RTL. MH pour Monuments historiques, un statut de protection qui réglemente notamment les travaux qu'on peut y effectuer. 

"On doit (trouver) un équilibre entre les contraintes de la protection du patrimoine et les contrainte de sécurité", commentait cette syndicaliste Sud-Culture. "Normalement la première des protections, c'est qu'une nacelle n’est pas censée pouvoir atteindre le premier étage de la galerie Apollon."

La galerie Apollon, justement, c'est l’une des 400 salles du Louvre. Une salle de choix pour des braqueurs : c’est en quelque sorte la bijouterie du musée. On y expose les diamants, les bijoux de la couronne et les gemmes des rois de France, dans un décor tout en dorures et en peinture.

"Cette galerie a été construite par Henri IV, elle a brûlé en 1661 puis a été reconstruite pendant quatre ans et laissée inachevée", rappelle François Vidy, guide conférencier, sur RTL. "Elle a la particularité d’être alignée avec le mouvement du soleil, et c’est dans la partie la plus proche de la Seine que les malfaiteurs se sont introduits.."

Il est 9h34 quand deux des malfaiteurs pénètrent à l'intérieur. Ils s’attaquent à deux vitrines blindées, sortes de cubes de verre transparent. Toujours à la disqueuse. Ils n'ont pas d'armes de poing. Le braquage se fait sans gadget, il est presque rudimentaire. Spectaculaire de simplicité. Et pourtant, cela fonctionne. Jusqu'ici, ils ne semblent pas avoir été inquiétés.

Les alarmes, le protocole et les deux minutes de flou

C’est l’un des grands mystères de ce casse : les alarmes ont-elles fonctionné ? Ou plutôt, quelques alarmes ont-elles fonctionné ? Selon la police, ce n'est qu'à 9h37, trois minutes après l'intrusion, que s'est déclenché le dispositif Ramsès - pour Réception des alarmes et des messages des sites et établissements sensibles. Le système relie des lieux comme le musée du Louvre à la police nationale.

Si dysfonctionnement il y a eu, les soupçons se portent sur l’alarme de la fenêtre extérieure, fracturée plusieurs minutes auparavant. "Il y a un mois, cette porte-fenêtre par laquelle sont rentrés les malfrats avait des problèmes", affirme le journaliste et historien de l'art David Rykner. "L'alarme se déclenchait tout le temps, donc on l’avait arrêtée."

Rien ne dit que cette alarme de la porte fenêtre n'ait pas été remise en état entre temps. Mais la présidente du Louvre, Laurence des Cars, a dû s’expliquer au Sénat, le 22 octobre. Elle conteste toute panne. 

"Il est 9h34", relate-t-elle lors de son audition. "Le détecteur d’alarme positionné sur la porte-fenêtre se déclenche aussitôt et transmet un signal au poste de sécurité. (...) Un agent posté en salle lance un appel radio au poste de commandement pour signaler l’intrusion. Il est 9h35 : l’évacuation de la salle est lancée. Les alarmes des deux vitrines de la galerie d'Apollon se déclenchent."

Alors, comment expliquer ce délai de deux minutes avant l’appel aux forces de l'ordre ? C'est le temps d'appliquer le protocole, a assuré la directrice de la surveillance du musée. "Notre PC central a le monopole de l’appel vers la police", a précisé Dominique Buffin devant les sénateurs. "Les appels vers la police se font via une ligne téléphonique et un numéro dédié vers le commissariat central, numéro identifié. Et d'autre part, via le bouton Ramsès. (...) Ramsès a l'avantage de la simplicité certes, mais il a l'inconvénient de ne pas donner d'informations sur la localisation de notre problème, de notre difficulté."

Ce matin-là, le PC sécurité du Louvre a "bien reçu la première alarme concernant la fracturation de la porte-fenêtre". "En moins de 10 secondes", selon elle, les agents localisent le problème. Ils font "la comparaison" avec la vidéosurveillance et "commencent à recevoir les appels radio leur signalant l'événement". "L'appel au commissariat du premier arrondissement s'est fait à 9h35 et 33 secondes et après avoir raccroché le bouton Ramsès a été activé", assure-t-elle.

"Ce n'est pas le petit braqueur du quartier"

Le musée étant ouvert depuis 9 heures, des visiteurs et des agents sont présents dans la galerie Apollon au moment du braquage. "On a été alertés par un bruit puissant et inhabituel", témoigne sur RTL une surveillante, présente sur place, qui a souhaité rester anonyme.

La seule façon d’agir dans ces cas-là, c’est de mettre le maximum de monde en sécurité.

Une surveillante présente sur place

"Le temps qu’on remonte la galerie, ils étaient déjà rentrés. Quand on a commencé à évacuer, ils commençaient à 'disquer'. Et là, on se dit que ce n'est pas le petit braqueur du quartier. C’était une tronçonneuse son truc, pas la disqueuse de chez Castorama. On ne savait pas s’ils étaient armés ni s’ils avaient l'intention d'aller dans d’autres salles."


"La seule façon d’agir dans ces cas-là, c’est de mettre le maximum de monde en sécurité et de faire en sorte que les malfaiteurs n'aillent pas ailleurs", relate-t-elle. "On ne savait même pas s’ils allaient ressortir par la fenêtre ou pas. (...) On était à un moment de la journée où l’effectif est au maximum. C'est la prise de service, le seul moment de la journée où on est tous là, donc on était cinq. Il faut penser à protéger le public, se protéger, faire attention à ce qu'on fait pour que ça ne crée pas de destruction supplémentaire."

Cinq agents. Deux fois plus nombreux que les braqueurs. Mais sans armes, sans moyens d’intervention. "Nous ne sommes pas des policiers et il n’y a pas de personnes armées dans les salles", rappelle la surveillante et syndicaliste Elise Muller. "Mes collègues ont fait preuve d’un très grand professionnalisme puisqu'immédiatement ils ont (sécurisé) le public, ils ont permis l'évacuation et de mettre à l’abri les visiteurs. Ce qui est quand même notre mission fondamentale."

Des "pièces uniques" subtilisées

Alertée, la police arrive trois minutes plus tard. Trop tard. À 9h38, les braqueurs ressortent par la même fenêtre, filmés en train de redescendre par la nacelle. Le braquage est terminé. Sans blessés. Il a duré sept à huit minutes, dont quatre à l’intérieur. De longues minutes, suffisantes pour un butin spectaculaire : neuf pièces ont été dérobées

L'inventaire renvoie aux derniers souverains du 19e siècle : un diadème, un collier et des boucles d’oreilles en saphir de la parure de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense ; un collier et des boucles d’oreilles en émeraude de Marie-Louise ; et le diadème de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III.

  • La parure de l'impératrice Eugénie, exposée au Musée du Louvre, le 14 janvier 2020.

    Crédits : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

  • La parure de Marie-Louise, exposé au Musée du Louvre, le 14 janvier 2020.

    Crédits : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

  • À droite, le nœud de corsage de l'impératrice Eugénie, exposé le 14 janvier 2020 au Musée du Louvre.

    Crédits : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

  • Diadème de l'impératrice Eugénie, exposé le 16 novembre 2004, à la galerie Apollon.

    Crédits : JOEL ROBINE / AFP

"C’est l’emblème du pouvoir, ça fait partie des Regalia", rappelle l'historien Éric Anceau, spécialiste du Second Empire. "On est au cœur du pouvoir et de l’État. Ce sont des objets parmi les plus symboliques qui existent." "C’est inestimable", abonde la gemmologue Nathalie Abbou Vidal . "Je les ai vus, ces bijoux : ce sont des merveilles. (...) Ce sont des perles naturelles, pêchées par des hommes dans les fins fonds de la mer. Il y en a un sur deux qui mourrait. (...) Je suis triste, outrée et choquée. C’est mon patrimoine, mon histoire qu’on a bafoués."

La valeur patrimoniale est "inestimable" donc. Mais le préjudice a été estimé à 88 millions d’euros, a annoncé sur RTL la procureure Laure Beccuau. "Cette somme est effectivement extrêmement spectaculaire mais il faut bien garder en mémoire que ce préjudice est un préjudice économique mais il n'a rien de parallèle et de de comparable au préjudice historique."

Et la magistrate d'assurer "que les malfaiteurs qui se sont emparés de ces bijoux ne gagnent pas 88 millions d'euros". "S'ils avaient la très mauvaise idée de dessertir ces bijoux, de les fondre, ils n'obtiendraient jamais ces sommes considérables", estime-t-elle. "Donc on peut peut-être espérer qu'ils réfléchissent à la chose et qu'ils ne détruisent pas ces bijoux."

Je dénie à qui que ce soit la possibilité d'identifier ces perles comme étant les perles du diadème de l'impératrice Eugénie. C'est absolument impossible à identifier.

Vincent Meylan, historien, spécialiste de la haute joaillerie

Selon l'historien, spécialiste de la haute joaillerie, Vincent Meylan, les braqueurs ont précisément refléchi à la chose, c'est ainsi qu'il explique le choix des pièces dérobées. "Ils n’ont pas pris les gros diamants comme le Sancy ou le Régent, invendables car trop gros, trop connus", note-t-il. "Ils ont pris des bijoux avec des pierres de couleur qu’on peut retailler relativement facilement et revendre sur un marché secondaire."

Il donne l'exemple du diadème de perles de l'impératrice Eugénie. "Ce sont de grosses perles rondes", décrit-il. "Elles sont percées. Vous enlevez les perles, vous les montez sur un fil de soie avec d'autres perles, ça vous fait des colliers de perles fines. Je dénie à qui que ce soit la possibilité d'identifier ces perles comme étant les perles du diadème de l'impératrice Eugénie. C'est absolument impossible à identifier."

Une fuite précipitée ?

Préparé avec minutie, le braquage n’a cependant rien d’un crime parfait. À 9h38, les quatre hommes s’enfuient à scooter, laissant derrière eux un butin partiel… et de nombreux indices. Un bijou tombé - la couronne de l’impératrice Eugénie - mais aussi un gilet jaune, un talkie-walkie, deux disqueuses, des gants. Plus significatif encore : il semblerait qu'ils ne soient pas parvenus à mettre à exécution l'intégralité de leur plan. De l'essence a été retrouvée répandue dans leur camion monte-charge et un chalumeau a été saisi. 

Laurence des Cars estime que c’est le personnel du musée qui a empêché les malfaiteurs de brûler leur véhicule. "Les équipes de renfort sont arrivées très vite, à l’extérieur comme à l’intérieur", assure la surveillante présente sur place. "Ça a permis qu'ils lâchent des objets. Et puis même à l'intérieur de la galerie, ils n'ont pas pris tout ce qu'ils voulaient prendre. Donc ça aurait pu être pire."

Plus d’une centaine d’enquêteurs sont mobilisés. Ils ne manquent donc pas d'éléments pour avancer. Plus de 150 prélèvements ont été effectués sur le véhicule et les objets abandonnés. À ce jour, les suspects sont toujours recherchés. 

Leurs motivations restent inconnues. "On peut être sur la piste du grand banditisme", estime la procureure Laure Beccuau. "Si on associe à ce terme la capacité de mobilisation et de préparation des actes criminels que l'on envisage, oui, ça se qualifie de grand banditisme. Ce sont des actes parfaitement préparés."

Une définition suffisamment large pour englober la quasi-totalité des pistes jusqu'ici envisagées. Que ce soit des braqueurs isolés, ayant agi sous les ordres d'un commanditaire ou même d'une ingérence étrangère. Si la vérité n’a pas encore éclaté, le braquage du Louvre a déjà déclenché une autre tempête : celle des polémiques sur l’état du musée et la sécurité des trésors nationaux.

7 minutes pour braquer le Louvre, un podcast inédit de RTL. Dimanche 19 octobre 2025, en plein cœur de Paris, un braquage a frappé le musée le plus célèbre du monde. En seulement sept minutes, quatre hommes masqués ont dérobé neuf joyaux de la Couronne de France dans la galerie d’Apollon du Louvre, avant de disparaître à scooter le long de la Seine. En trois épisodes, Nathan Laporte refait le film du cambriolage et ses conséquences en s’appuyant sur les informations et les témoignages recueillis par les journalistes de la rédaction de RTL.

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