Les quatre petites mortes du printemps 1987 : s'approche-t-on de la vérité ?

Samedi 9 mai 1987, la maman de Virginie Delmas, 10 ans, s'inquiète de ne pas voir sa fille revenir alors qu'elle était partie jouer avec des copines en bas de l'appartement familial, à Neuilly-sur-Marne. Prévenue, la police apprend que l'enfant ne s'est jamais rendue sur l’esplanade. Deux de ses amies disent l'avoir aperçue avec un homme. La petite fille sera retrouvée sans vie cinq mois plus tard dans un bosquet, avec des traces de sang sur ses chaussettes, sa culotte et son tee-shirt.

Vingt et un jours après la disparition de Virginie Delmas, le corps d'Hemma Davy-Greedharry, 10 ans, est retrouvé nu et carbonisé dans une cité HLM de Châtillon (Hauts-de-Seine). L'autopsie indique qu'elle a été violée et étranglée. Les enquêteurs prélèvent du sperme et du sang de groupe A positif.

Les enquêteurs craignent alors une loi des séries car à cette époque, en plus des morts de Virginie et d’Hemma, deux autres petites filles, Perrine Vigneron et Sabine Dumont, quasiment du même âge, ont elles aussi été enlevées et assassinées en région parisienne. Pourtant, malgré les similitudes, les cas ne sont pas rapprochés par la justice. Il y aura donc quatre juges d'instruction et quatre services d'enquête différents.

Lundi 15 janvier 1996, huit ans et demi après les assassinats du printemps 1987, le dossier d’Hemma Davy-Greedharry est clos : un non-lieu est délivré à Nanterre pour défaut d'élucidation. Un an plus tard, c'est un juge de Bobigny qui referme celui de Virginie Delmas. Dans les deux cas, la justice autorise la destruction des scellés. "Il n'y aujourd'hui plus rien et on sait que si on avait les scellés, on trouverait l'auteur des faits probablement très rapidement. Donc c'est extrêmement frustrant et ça complique l'enquête", regrette Me Marine Allali, avocat de la famille de Sabine Dumont.

Faire parler l'ADN

Mardi 12 mai 2009, vingt-deux ans après les assassinats, l'ancien domicile du dénommé Raymond Gouardo, à Coulommes, en Seine-et-Marne, est perquisitionné. Ce détraqué sexuel, violeur pervers, mort depuis dix ans, pourrait être impliqué dans les crimes de 1987. Sa fille, Lydia, vient de révéler dans un livre comment son père a abusé d'elle pendant de longues années. Mais son ADN ne correspond pas à celui prélevé sur un vêtement de Sabine Dumont.

En janvier 2023, le pôle des cold cases de Nanterre annonce que les quatre affaires sont désormais regroupées au sein d'un même cabinet. La juge et les enquêteurs s'attardent sur le cas du Grêlé, François Vérove. Mais encore une fois, l'ADN prélevé sur un vêtement de Sabine Dumont n'est pas le sien. Il pourrait cependant être l'homme à la moto aperçu par des témoins dans les affaires Virginie Delmas et Perrine Vigneron. Mais rien ne permet de l'affirmer.

Seul espoir à présent : faire parler l'ADN. "On a un fichier des empreintes génétiques pénales, mais pour l'instant l'empreinte du tueur de Sabine ne matche pas dans ce fichier, relate Thierry Lévêque, journaliste et spécialiste des faits divers. On a une possibilité nouvelle qui est qu'aux États-Unis, des sociétés privés, au contraire de l'Europe et de la France, ont le droit de ficher des individus qui veulent connaître leurs ancêtres, leurs origines. Et on peut estimer que plusieurs millions de Français se sont fait ficher volontairement là-bas. On n'imagine pas que le tueur de Sabine soit toujours en vie, mais peut-être que son fils, son cousin l'a fait. En plus, ça balaye beaucoup plus large car on peut aller à un degré de parenté beaucoup plus loin. Seulement, il faut faire une opération qui, juridiquement, est compliqué."

Les invités de "L'Heure du crime"

- Thierry Lévêque, journaliste, spécialiste des faits divers et auteur du livre Le continent des oubliées, publié aux éditions Dark Side.
- Me Didier Seban et Me Marine Allali, avocats au barreau de Paris, avocats de la famille de Sabine Dumont. 

À lire aussi

Féminicide

Affaire Maud Maréchal : qui avait intérêt à la voir brûler vive ?