L'affaire Marie-Christine Bujold : une mère accusée d'avoir noyé son fils de 3 ans

Samedi 9 novembre 2002, 7h du matin, Marie-Christine Bujold, 41 ans, avocate à Montréal, est surprise de ne pas avoir été réveillée par Jean-Patrick, son petit garçon. À trois ans et demi il a l'habitude de rentrer tôt dans sa chambre. La maman se rend donc dans celle de son fils. Jean-Patrick est dans son lit, inerte, il ne respire plus. "Son corps était froid et raide" va indiquer Marie-Christine Bujold.

La veille, elle a donné son bain au petit Jean-Patrick, pour qu'il soit "tout beau et tout propre" pour la visite de son père le lendemain. Son ex-compagnon, Julien Géraud, venait spécialement de France. On lui fait remarquer que la voisine qui dort juste au-dessus de la chambre de l'enfant, Helena Brown, dit avoir été réveillée autour de 4h du matin par des hurlements. 

Elle a aussi entendu des bruits comme des gargarismes, quelqu'un qui aurait "de l'eau dans la bouche". Marie-Christine Bujold déclare avoir le sommeil très léger, si de tels bruits s'étaient produits elle les auraient certainement entendus. Selon elle, ce sont des médisances de la voisine.

Des réactions étranges

"La justice française trouvera étrange aussi la manière dont elle a réagi. Évidemment, quand elle découvre son fils mort, elle ne prévient pas du tout les secours. Elle va juste passer un coup de fil à une personne qui n'a rien à voir, une amie", explique Maître Florence Rault, avocate de Julien Géraud, le père de Jean-Patrick. "Ensuite, il va falloir que les choses aillent très vite. Une fois que tout sera enclenché, elle voudra absolument que son fils soit incinéré." 

Le 10 novembre, Julien Géraud arrive à Montréal pour voir son fils, ignorant son décès. Le couple qu'il forme avec Marie-Christine Bujold a depuis longtemps éclaté. Deux jours plus tard, il apprend la nouvelle par la psychologue de l'enfant, non pas par Marie-Christine. 

Les policiers enquêtent sur la mère, obsédée par la santé de son fils. En neuf mois, il a eu 89 visites médicales et parfois deux médecins par jour. Les médecins le déclarent en bonne santé. 

Entre le Canada et la France

À cheval entre deux pays, l'enquête s'étire. Les échanges entre Canada et la France retardent l'autopsie. Le 31 août 2010, le docteur conclut que l'enfant montre des signes de noyade, mais il manque encore de preuves. 

Deux ans plus tard, après avoir reçu la preuve nécessaire, les experts sont désormais catégoriques. Selon eux, l'enfant est mort suite à une noyade en eau douce. Les ecchymoses sur le visage indiquent que l’agresseur a maintenu sous l’eau la tête de l’enfant.

Une situation qui n'étonne pas Pasquale Turbide, journaliste pour Radio Canada : "Je n'ai pas trouvé ça très surprenant, au fond, si on y pense bien. On avait pris la décision ici de ne pas accuser la mère. Alors, est-ce que les autorités canadiennes avaient envie que justice soit rendue ailleurs ? Je ne suis pas certaine." 

Un procès sans accusée et témoins

Dix-sept ans après la mort de l'enfant, en septembre 2019, Marie-Christine Bujold est entendue devant la cour d'assises des Yvelines à Versailles. Accusée d'avoir tué son fils Jean-Patrick en le noyant dans la salle de bains. Elle est absente. Elle n'a répondu à aucune convocation. Elle est donc jugée en son absence.

Après deux jours d'audience, Marie-Christine Bujold est condamnée à 25 ans de prison. Patrick Géraud est soulagé: "Je me battais depuis longtemps pour que la mort de mon fils soit éclaircie, elle l'est. Désormais on le sait : mon fils a été tué par sa mère".

Trois ans plus tard, Marie-Christine Bujold, 60 ans, s’éteint à Montréal à la suite d'une tumeur. Elle est morte avant de voir sa peine exécutée. 

Les invités de "L'Heure du crime"

- Maître Florence Rault, avocate au barreau de Paris et avocate de Julien Géraud, le père de Jean-Patrick.

 
- Pasquale Turbide, journaliste à Radio Canada et co-réalisatrice d’un épisode d’Enquête sur l’affaire : Crime québécois… justice française, diffusé sur Radio Canada. 

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