"Dropped" : la collision entre les deux hélicoptères aurait-elle pu être évitée ?

Lundi 9 mars 2015, deux hélicoptères s'apprêtent à décoller sur un terrain de foot en terre battue dans un coin reculé de l'Argentine, tout près des maisonnettes du village de Villa Castelli. Le site a été choisi pour un tout nouveau jeu d'aventures destiné à TF1, baptisé Dropped. Le scénario est simple : deux équipes rivales de sportifs connus sont déposées en hélicoptère dans un endroit perdu d'où elles devront s'extraire. Le budget alloué s'élève à 2,6 millions d'euros. 

À bord du premier engin, le cameraman Laurent Sbasnik, le preneur de son Gilles Edouard, la journaliste Lucie Mei-Dalby, une membre de la production, Volodia Guinard, et le pilote argentin Roberto Abate. Le deuxième appareil transporte le pilote Juan Carlos Castillo, le cameraman Brice Guilbert, la navigatrice Florence Arthaud, la nageuse Camille Muffat et le boxeur Alexis Vastine. Les champions sont photographiés, les yeux bandés comme le veut le jeu télé. Deux minutes plus tard, ils meurent sans avoir rien vu de leur fin : les hélicoptères se sont percutés. 

Que s'est-il passé ? Lors du briefing, il était prévu un virage à 360 degrés des deux hélicoptères pour dessiner une boucle. Le plan de vol avait été répété à terre, mais rien n'avait été écrit. La collision a eu lieu entre 70 et 85 mètres au-dessus du sol. Les deux pilotes ne se seraient pas compris ou pas vus.

La double-commande

En 2019, quatre ans après le crash, le Suédois Peter Hogberg, chargé de valider le dispositif des hélicoptères, est interrogé. Un équipement de bord, la double-commande, n'aurait pas été déconnectée. Il ne fallait surtout pas y toucher sous peine de déséquilibrer soudainement l'appareil. Or, le cameraman Laurent Sbasnik était installé à leur emplacement dans une posture acrobatique. Peter Hogberg explique que le pilote s'est chargé seul du briefing du cameraman. "Il n'y a pas eu de consignes données par moi. Personne ne m'a demandé de valider les pilotes, ni les hélicoptères", dit-il. Il est mis en examen pour "homicides involontaires".

"On dit que c'est la faute des pilotes. C'est pratique, ils sont morts tous les deux. Mais ce n'est probablement pas seulement de leur faute. Oui, il y a eu faute de pilotage de l'un des pilotes, c'est avéré. Mais est-ce qu'il y a seulement eu une faute de pilotage ? C'est ce que la justice devra déterminer", indique Stefan L'Hermitte, grand reporter pour L'Équipe qui a réalisé un numéro Équipe Explore à ce sujet.

Les familles des victimes se retournent une à une contre la société de production en charge de l'émission, Adventure Line Productions. D'ailleurs, mercredi 7 octobre 2020, le directeur de production, Nicolas Roussel, qui avait pour mission de gérer les risques, est mis en examen dans le dossier Dropped. Quatre mois après, c'est au tour de la société A.L.P elle-même, en qualité de personne morale d'être mise en examen pour "homicides involontaires".

Rogner sur le budget ?

Mardi 9 août 2022, Franck Firmin-Guion, ancien grand patron de la société de production A.L.P, est à son tour mis en examen pour "homicides involontaires". Dans un mail qu'il a envoyé avant le drame, il indique : "Nous sommes confrontés à notre service financier et nous devons estimer les coûts de production. Hélicoptère : oui, nous devons le réduire autant que possible". L'homme dément que le budget de la sécurité aurait été rogné.

"Lucie me racontait des petits trucs qui semblaient dérisoire, mais qui ensuite ont pris sens. Par exemple, les chaussures qu'on avait retenues pour elle étaient trop grandes et donc elle a demandé à les changer. On lui a dit : "On n'a pas le budget. Si tu veux changer tes chaussures, tu te les achètes toi-même", se souvient Bénédicte Mei, mère de la journaliste Lucie Mei-Dalby. C'est dérisoire ça, mais comment peut-on beaucoup marcher dans des endroits difficiles avec des chaussures trop grandes." 

"Il ne faut pas transiger avec les hélicoptères. C'est une machine remarquable, il faut se donner les moyens, savoir quelle compagnie prendre et comment on les utilise. Et dans ce cas-là, il semblerait quant même qu'ils n'aient pas choisi les bons hélicoptères, indique Stefan L’Hermitte. On va chercher des hélicos dans deux provinces argentines qui vont être payés en liquide alors qu'il y a ailleurs dans la capitale des hélicoptères habitués à filmer, habitués à faire ce genre d'opération. Pourquoi est-on allé chercher des hélicoptères qui n'étaient pas forcément fait pour ce genre de mission ?" 

Les familles des victimes de la catastrophe Dropped espèrent un procès en correctionnelle fin 2025, début 2026.

Les invités de "L'Heure du crime"

- Bénédicte Mei, mère de la journaliste Lucie Mei-Dalby.
- Stefan L’Hermitte, grand reporter pour L'Équipe, a réalisé un numéro Équipe Explore à ce sujet.

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