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INFO RTL - "Ils repèrent le plus fragile" : l'inquiétante montée de la corruption des surveillants de prisons

Selon les chiffres du ministère de la Justice révélés par RTL, les condamnations d'agents pénitentiaires pour "remises d'objets illicites à un détenu" ont augmenté de 41%, entre 2020 et 2023.

L'uniforme d'un surveillant pénitentiaire (image d'illustration)

Crédit : Benoit Durand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Plana Radenovic

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Avec la poussée explosive du fléau du narcotrafic dans le pays, le gouvernement a décidé de s'attaquer à une autre problématique, moins visible : la corruption dans les prisons françaises. Ce phénomène est difficilement quantifiable. Mais selon les chiffres du ministère de la Justice révélés par RTL ce jeudi 11 décembre, les condamnations d'agents pénitentiaires pour "remises d'objets illicites à un détenu" ont augmenté de 41%, entre 2020 et 2023.
 
La corruption est répandue dans nos prisons. Le procès d'un surveillant de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy l'a encore illustré récemment. Ce père de famille, âgé de 46 ans, a été condamné à trois ans et demi de prison ferme pour corruption en septembre. Il avait fait entrer, contre rétribution, des portables et du cannabis en détention. 

Son avocat, Maître Emmanuel Ludot, explique sur RTL le début de l'engrenage. "À l'intérieur de la maison d'arrêt, on repère le surveillant pénitentiaire le plus fragile, le plus faible. On le suit à l'extérieur, on regarde son mode de vie, on voit qu'il vit mal et on lui remet déjà, sans lui demander son avis, une enveloppe dans sa poche. Il a pris l'argent et à partir de ce moment-là, on est revenu le voir en lui disant : 'Tu te souviens que je t'ai remis une enveloppe, il y a quinze jours. Maintenant, tu vas être gentil avec nous'. Et là, c'est parti", raconte-t-il.

"De petits services en petits services"

Selon les chiffres du ministère de la Justice, les condamnations d'agents pénitentiaires pour "remises d'objets illicites à un détenu sont passées du nombre de 31 en 2020 à 44 en trois ans. Par ailleurs, le nombre d'atteintes à la probité enregistrées par les forces de l'ordre a lui bondi de 50% entre 2016 et 2024.
 
Ces chiffres ne sont que la partie émergée de l'iceberg. On parle d'un phénomène forcément caché. Nous n'avons trouvé aucun surveillant qui accepte de nous en parler au micro. Valérie Mousseef, directrice de prison actuellement en poste en Guadeloupe, décrit ce qu'elle a pu observer au long de ses 20 ans de carrière. "Ce n'est pas une réalité qui est très visible en détention. Mais je suis persuadée que ça commence petit, avec des détenus qui vont proposer un bout de gâteau, quelque chose qu'ils ont créé. Ils essayent de faire du lien, au-delà du rapport professionnel", explique-t-elle. 

"Finalement, de petits services en petits services, quand ils se rendent compte du piège qui se referme et qu'ils disent non, le détenu leur dit : 'Tu ne peux pas me dire non, tu as déjà fait ça. Moi je vais tout dire'. Et le surveillant se fait enfermer", ajoute-t-elle. Il faut imaginer : des prisons surpeuplées, gangrénées par le narcotrafic qui génèrent d'énormes richesses, et ces détenus, ces trafiquants gardés par des agents qui gagnent entre 2.000 et 3.000 euros par mois, selon leur ancienneté.

Alerter dès les premiers signes

Malgré ce contexte défavorable, les autorités tentent, tant bien que mal, de lutter contre la corruption dans les prisons. En même temps qu'il créait les quartiers regroupant les narcotrafiquants les plus dangereux dans des prisons dédiées, Gérald Darmanin saisissait l'Agence française anticorruption pour former les surveillants à ce risque majeur. 

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La magistrate Isabelle Jégouzo est la directrice de cette agence. Pour elle, le secret, c'est d'alerter, avant qu'il ne soit trop tard. "Ce qui est important, c'est d'alerter pour que les engrenages ne se mettent pas en place. Et si les choses ont commencé à être faites, de leur offrir des portes de sortie pour ne pas aller plus loin", préconise-t-elle.

Des formations sont aussi organisées régulièrement, afin que les agents apprennent à détecter les signaux faibles, et à en parler, surtout. Des mesures ont déjà été mises en place, notamment dans les quartiers dédiés aux narcotrafiquants, où les surveillants n'interviennent jamais seuls face à un détenu, mais toujours en binôme.

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