Féminicide de Julie Douib : qui était cette femme, 30ème victime de l'année de 2019 ?

PODCAST - Le 3 mars 2019, Julie Douib est tuée à l'Île Rousse en Corse par son ex-compagnon et père de ses deux enfants. En appel, il a été condamné à la prison à perpétuité.

Une femme tient une photo de Julie Douib, lors d'une marche commémorative le 9 mars 2019

Crédit : Lucas BARIOULET / AFP

PORTRAIT - Qui était Julie Douib, victime d'un féminicide en Corse en 2019 ?

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71. Affaire Julie Douib : comment ce crime est devenu le symbole des mécanismes des féminicides

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On la voyait souvent sur la plage de Ghjunchitu, un endroit qu’elle adorait, sable blanc, eau turquoise, le maquis tout autour. Elle cherchait ce petit coquillage emblématique de la Corse : l’œil de Sainte-Lucie, tout blanc avec une spirale au centre. Julie en faisait des bijoux qu’elle vendait au marché. L'œil de Sainte Lucie, ça porte bonheur, parait-il.

La Corse, c’était sa terre d’adoption, son coup de cœur. C’est là que la famille a passé ses vacances, bien souvent. C’est là que Julie a fait ses premiers pas. C’est là qu’elle rendra son dernier soupir, mais comment l’imaginer ? Car ce qui l’attend ressemble d’abord à un conte de fée. La région de la Balagne l’enchante.

Julie est serveuse dans un club de vacances. Très vite, elle tombe amoureuse d’un client du bar. Il s’appelle Bruno, Bruno Garcia. C’est un enfant du pays, beau gosse, silhouette sculptée à la salle de sport. Il est surtout très différents des garçons qu’elle a connus jusque là : 8 ans de plus qu’elle, un côté un peu macho, et un passé tourmenté hanté par un père violent, tué par balles quelques années plus tôt.

Il faudra qu’il me tue pour que vous me preniez au sérieux

Julie Douib

Le couple s’installe à l’Ile Rousse et deux ans plus tard, elle est enceinte. Radieuse. Elle a toujours rêvé de fonder une famille. A la naissance de son premier fils, elle écrit à une amie: “c’est la plus belle crevette de toute la Corse !”. Deux ans plus tard, deuxième enfant, un garçon encore. Bruno fait construire une maison, presque un petit château. Sur les réseaux, Julie poste des photos qui donnent l’illusion d’un bonheur parfait. Elle, maman comblée, silhouette tonique, dorée au soleil corse, et les deux petits, qu’elle câline, qu’elle embrasse sur fond de mer azur.

Bleue comme l’enfer. Car le prince charmant a tombé le masque. Le sourire a disparu et avec elle, il est devenu tyrannique. Julie ne peut plus travailler, elle ne peut plus recevoir ses parents chez elle, elle ne peut plus voir son frère, son amie Julia. Et puis un jour, elle se rebelle. Elle parle à ses parents, leur avoue qu’il la frappe depuis trois ans. Ils tombent de haut. Elle voudrait partir mais elle a peur, il a une arme. Et puis il a confisqué les papiers des enfants. Finalement c’est lui qui la met à la porte, un soir de dispute. Elle se retrouve à la rue, désemparée, en petite culotte, mais la séparation est actée.

Elle est libre, du moins elle le croit. En réalité, c’est un autre enfer qui commence. Il la traque, la harcèle, la menace, il l’empêche de voir ses fils, car contre toute logique, c’est lui qui a obtenu la garde provisoire. Julie dépose plainte, 6 fois. La plupart sont classées. Quelques jours avant sa mort, elle lance aux gendarmes : "Il faudra qu’il me tue pour que vous me preniez au sérieux". Julie Douib repose aujourd’hui au cimetière de Monticello, au-dessus de la baie de l’Ile Rousse. Sur sa tombe, on trouve parfois, déposé en hommage, un œil de Sainte-Lucie.

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