Mardi 6 août 1985, neuf hommes accostent sur le sable de l'île des Hippopotames, dans un coude du fleuve Zaïre. Dans le cadre de l'expédition Africa-Raft, les aventuriers s'apprêtent à affronter les rapides d'Inga et ses vagues pouvant atteindre jusqu’à dix mètres de haut. Pour cela, ils embarquent à bord du Godelieve et du Françoise, des rafts géants, reconnaissables à leurs longues antennes radio, conçus pour affronter les pires courants.
Finalement, deux membres de l'expédition, le docteur François Laurenceau, 34 ans, et l'équipier Jean-Louis Amblard, se retirent finalement du voyage. "J’avais peur, je vous le dis franchement. J’avais demandé à l’équipe qu’on ne se jette pas comme ça dans ces rapides", confie le premier à Paris-Match. Depuis la terre, le médecin voit donc le Godelieve disparaître rapidement derrière un mur de vagues. Puis, les deux hommes restés à terre tentent de joindre les équipages par radio. Pas de réponse.
"Tout de suite, Laurenceau et Amblard ont rejoint les berges côté rive droite, explique Alexis De Dieuleveult, neveu de Philippe de Dieuleveult. Ils ont tout de suite été pris par des militaires zaïrois alors qu'ils voulaient voir ce qu'il se passait au bord du fleuve. Et c'est là qu'on leur a dit : "Si vous avez entendu des coups de feu, ce n'est pas de notre faute". Tout de suite, Jean-Louis Amblard pense qu'il s'est passé quelque chose. On aurait effectivement pu croire à un accident, mais la réaction à chaud des militaires, le jour J, pour Jean-Louis Aubard, c'est qu'il y a eu une bavure militaire."
Depuis l'île des Hippopotames, les rapides s'engouffrent dans un goulot qui mène au grand barrage hydroélectrique d'Inga. Mais personne ne sait que la structure, posée à la frontière avec l'Angola et gardée par l'armée zaïroise, est en alerte depuis la veille. La direction du barrage a reçu ces dernières heures deux télégrammes officiels qui se sont croisés : l'un autorisant le passage d'une expédition sportive, l'autre mentionnant le risque d'une possible attaque de mercenaires.
Deux jours après la disparition des bateaux de l'expédition Africa-Raft et de leur équipier vedette, Philippe de Dieuleveult, François Laurenceau et Jean-Louis Amblard sont toujours sans nouvelle de leurs camarades. Les Français cherchent donc à se renseigner. Un ingénieur américain, Stephen Allen, employé du barrage d'Inga, leur raconte que "vers 9h00 - heure qui pourrait correspondre au passage des rafts de l'expédition - de nombreux soldats ont pris position près du fleuve. Ils ont visé un bateau". Un autre ingénieur déclare avoir vu un bateau échoué sur une petite plage. Il a aperçu trois hommes blancs. Quand il est revenu observer la plage vers 16h00, il n’y avait plus de bateau et plus d’hommes blancs.
Le Françoise est finalement découvert échoué sur le sable. L'arrière est déchiqueté, mais l'antenne est intacte. "Le Godelive, on le retrouve très vite, pas très loin de l'île aux Hippopotames, brisé. Il n'y a plus que l'armature métallique. Les occupants ont également disparus. Là, on n'a pas de témoignage", regrette Alexis De Dieuleveult, neveu de Philippe de Dieuleveult. Puis, un corps, mutilé et en état de décomposition, est retrouvé quelques jours plus tard. Il s'agit du belge Guy Colette. Un deuxième corps, sans membres, sans sexe, est repéché dans le Zaïre. Il pourrait s'agir de Philippe de Dieuleveult. Une piste très vite écartée par le légiste français.
On cherchait à me dissuader de porter plainte. C’est tout de même bizarre d’en faire autant pour une simple noyade
Jean de Dieuleveult
Les policiers étudient méticuleusement toutes les hypothèses : de l'accident au meurtre en passant par une séquestration des participants du raid nautique. La Crim vérifie le témoignage accablant d'un ancien officier du renseignement zaïrois. L'homme, opposant au président Mobutu, réfugié en Belgique, affirme que les navigateurs ont été délibérément abattus par l'armée zaïroise. Selon lui, les autorités voulaient éliminer le Belge Guy Colette et le Français Philippe de Dieuleveult, soupçonnés d'être des agents de renseignement. Pourtant, le 8 janvier 2003, la brigade criminelle conclut à la noyade accidentelle des aventuriers.
Alexis de Dieuleveult défend toujours la thèse d'un assassinat sous couvert de silence d'État. Le navigateur Gérard d'Aboville, qui avait dessiné les rafts de l'expédition et a longuement enquêté au Zaïre sur les naufrages, émet le scénario suivant : le chavirage accidentel très rapide du premier raft et des tirs et une bavure pour le Françoise. Le télégramme avertissant du passage des deux bateaux n'aurait jamais été lu par les autorités et le commandement militaire du barrage d'Inga. Jean de Dieuleveult, frère de Philippe, racontait avoir été reçu un jour au Quai d'Orsay : "On m'a précisé que c'était un dossier brûlant. On cherchait à me dissuader de porter plainte. C’est tout de même bizarre d’en faire autant pour une simple noyade", disait-il.
- Alexis De Dieuleveult, neveu de Philippe de Dieuleveult et auteur de Vérité sur une omerta : L’assassinat de Philippe de Dieuleveult, publié aux éditions Balland.
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