"Je suis matrixée par ces histoires" : que sont les mini-dramas, ces séries verticales ultra-clichées et très courtes qui rendent accros ?

"Par pitié, dites-moi que je ne suis pas la seule matrixée par les histoires 'story-shorts' qu’on a en pub entre deux vidéos TikTok avec des histoires rocambolesques et un jeu d’acteur 0/10". Sur TikTok, une internaute se livre autour d'une passion que beaucoup partagent depuis plusieurs mois : les "mini dramas", aussi appelés "micro-fictions". "Je vous jure, je peux y rester des heures". 

Elle décrit des intrigues presque interchangeables : "Caroline, fille d’un milliardaire, abandonne tout pour Franck, qui n’a rien, l’aide à gravir les échelons… et au final Franck l’abandonne quand il devient riche. Les scénarios, c’est toujours la même chose, mais ça me fascine à chaque fois." 

Ces productions qui s'apparentent aux télénovelas peuvent être moquées pour leur côté kitsch et répétitif, mais elles ont su trouver leur public. Prisonnière du cruel PDG, Relation interdite avec un religieux, La pauvre millionnaire… Les titres se multiplient, tous plus dramatiques les uns que les autres, et cumulent des dizaines de millions de vues. 

Ces formats courts sont apparu en Chine au milieu des années 2010. Appelées "duanju", ces mini-séries sont pensées dès le départ pour le mobile. Une saison entière peut se regarder en un trajet de métro. Les intrigues sont simples, parfois caricaturales, et les productions assumées comme low-cost.

Des plateformes dédiées et des intrigues calibrées

Ces minis-dramas ont commencé à séduire Hollywood et la France début 2024. Ils sont même aujourd’hui visibles sur des plateformes dédiées comme ReelShort, Dramabox ou encore StoryTV, une plateforme française lancée il y a quelques mois. Résultat : ces applications figurent désormais dans le top 80 des plus téléchargées du pays.

Son son site, la plateforme française explique les coulisses de ses productions courtes mais d'une grande intensité : "en une journée, une équipe peut tourner jusqu'à 10 épisodes soit l'équivalent d'une semaine de production". Et ça marche : le film Servante malmenée par le fils du patron, diffusé en mars dernier, a cumulé plus de 1,2 millions de vues en six jours et un gain de plus de 10.000 abonnés sur leur page TikTok qui diffuse également quelques épisodes pour donner envie de s'abonner à la plateforme.

Sur la plateforme ReelShort, on trouve différentes catégories de "mini dramas" : identité cachée, coup de foudre, seconde chance, grossesse et bébés, magie, amour de jeunesse, héros de retour ou encore histoires interactives. Parmi les séries proposées : Mon amant secret royal, Trahie par la famille, La double vie de mon mari milliardaire, Papa est le roi des vampires ou Ma mère est une patronne de la mafia.

Autant de promesses narratives qui misent sur l’émotion immédiate. Une jeune femme qui enlève son soutien-gorge devant son patron "alpha" pour prouver sa détermination, une domestique humiliée pour avoir essayé une robe de mariée, un milliardaire qui tombe amoureux d’une femme sans-abri… Les situations sont volontairement extrêmes et conçues pour provoquer une montagne russe d'émotions.

Un mécanisme redoutable et un succès fulgurant

Les réseaux sociaux ont révolutionné notre manière de regarder les vidéos, le spectateur attend que son attention soit captivée en quelques secondes. En suivant cette logique, le succès de ces mini-séries repose sur un mécanisme redoutable : le mix entre le scrolling infini et le binge watching, en français, le visionnage en rafale. Les épisodes, qui durent entre une et deux minutes, s’enchaînent sans effort. L’utilisateur n’a pas le temps de s’ennuyer, ni même de réfléchir à la qualité du jeu d’acteur ou à la crédibilité du scénario.

Produites à la chaîne, ces mini-fictions obéissent à des codes très précis. Budget limité, tournages rapides, acteurs peu connus, et même parfois générées par l'intelligence artificielle, et narration ultra-efficace.

Si longtemps, on regardait un film du début à la fin sans interruption, aujourd’hui, on zappe, on scroll, on choisit à la volée. L’audience est mobile, multitâche, ultra-sollicitée. Résultat, les contenus doivent s’adapter à des sessions d’attention brèves, imprévisibles et souvent fragmentées. C’est l’essor d’une fiction "snackable", à la carte, en libre-service. Le but est clair : proposer un contenu aussi fluide et addictif que TikTok, tout en conservant l’impact émotionnel et la richesse narrative du cinéma. De cette fusion entre la vitesse du digital et l’exigence du storytelling émerge un nouveau type de format, accessible et efficace, mais ambitieux, pensé pour une génération qui zappe… tout en aimant encore se laisser emporter par une véritable histoire.

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