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Procès Le Scouarnec : pourquoi le chirurgien, accusé de plus de 300 viols, n'a jamais été inquiété en 30 ans

PODCAST - "L'Heure du crime" revient sur l'affaire Joël Le Scouarnec. Ce chirurgien pédophile a été condamné en 2020 pour quatre viols, dont deux sur ses nièces. Il est désormais soupçonné d'avoir fait plus de 300 petites victimes en 25 ans. Malgré les doutes, il n'a jamais été dénoncé.

Joël Le Scouarnec lors de son procès à Saintes (Charente-Maritime), le 13 mars 2020.
Crédit : Benoit PEYRUCQ / AFP
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Jean-Alphonse Richard & Julie Morisseau
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Plus de 300 victimes recensées entre 1986 et 2014. Cela fait du docteur Joël Le Scouarnec l'un des plus grands pédophiles de l'histoire. Et pourtant, en presque 30 ans, il n’a jamais été inquiété. De l’institution médicale jusqu’à sa propre épouse, tout le monde semble avoir ignoré les obsessions de ce docteur discret, marié et père de trois enfants. Il sera jugé, lors d'un procès prévu pour durer quatre mois, dès le lundi 24 février 2025.  "Ce qu'on attend du procès, c'est la révélation de toute l'histoire de Joël Le Scouarnec à la fois familiale et professionnelle", espère Me Francesca Satta, avocate de plusieurs victimes du chirurgien. 

Le vrai visage de Joël Le Scouarnec se révèle en 2017, à Jonzac. Une jeune fille de 6 ans, sa voisine, le dénonce après avoir subi une agression sexuelle de sa part. Lors des perquisitions chez le chirurgien retraité, les gendarmes découvre un attirail dédié à la pédophilie : des poupées, des perruques, des accessoires, des centaines de photos et vidéos, mais aussi des carnets dans lequel le docteur raconte ses gestes sexuels commis sur des petits garçons ou des petites filles lors de consultations, "dans la chambre" ou "au bloc", précise-t-il. Pas moins de 314 victimes y sont recensées.

Le 9 décembre 2004, treize ans avant d’être démasqué, il a pourtant déjà été interpellé. Son nom apparait même dans une enquête du FBI américain sur un réseau international de pédophilie. Placé en garde à vue, il reconnait avoir téléchargé des images, mais il assure qu’il a tourné la page. C'est aussi ce qu'il dit le jeudi 17 novembre 2005, lorsqu'il est jugé à Vannes pour détention d'images pédopornographiques qu'il aurait détruites. 

"C'est une chaîne de défaillance qui commence dès l'arrestation. Il a été convoqué par la gendarmerie, mais Joël Le Scouarnec n'est pas un imbécile, donc il a planqué son matériel informatique, son journal intime... Résultat, la gendarmerie ne trouve rien. La justice prend une décision en demi-teinte avec cette condamnation à 4 mois de prison sans interdiction d'exercer la médecine au contact des mineurs. Personne ne voit de problème à laisser ce médecin au contact des enfants", regrette Hugo Lemonier, journaliste, auteur du livre Piégés – Dans le journal intime du Dr Le Scouarnec publié aux éditions Nouveau Monde.

Ce sont des négligences énormes qui ont duré 30 ans et qui ont permis à cet homme d'utiliser son lieu professionnel comme terrain de chasse

Me Francesca Satta
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Joël Le Scouarnec est même titularisé comme praticien hospitalier et nommé sans difficulté au centre hospitalier de Jonzac. La directrice connait pourtant la nature de sa condamnation.

"Je pense qu'on a pas voulu le voir. Un collègue psychiatre a vu des comportements douteux de Joël Le Scouarnec avec sa patientèle mineure. Il en réfère au directeur de l'établissement qui ne fait rien, qui ne procèdera pas à une enquête interne, déplore Me Francesca Satta. On a aussi un médecin ami de Joël Le Scouarnec qui va l'inviter chez lui et qui va voir de ses propres yeux, avec son épouse, comment Joël Le Scouarnec se comporte avec leurs enfants. Comment tous ces gens ont-ils pu voir des choses, le psychiatre mis à part, et ne pas les rapporter aux autorité interne de l'hôpital ? Ce sont des négligences énormes qui ont duré 30 ans et qui ont permis à cet homme d'utiliser son lieu professionnel comme terrain de chasse."

 "L'ordre des médecins nous dit qu'à l'époque, il ne pouvait pas poursuivre Joël Le scouranec. C'est faux, affirme Hugo Lemonier. On a un vrai soucis avec l'ordre des médecins qui doit donner des explications. Les victimes ont besoin d'avancer. Il faut regarder ces dysfonctionnement systémiques. Ce n'est pas Joël Le Scouarnec qui a manipulé tout le monde, on lui a laissé le champ libre."

Et d'ajouter : "Il est effectivement mis en cause pour détention d'image à caractère pédopornographie, mais on considère que c'est une victime à l'époque. On dit : "Il a eu un moment d'égarement, il a eu des problèmes dans son couple." C'est la culture du viol à l'état pur. On se dit : "Ce n'est pas si grave, c'est une passade." On ne voit pas le risque. C'est un dysfonctionnement qui est grave. Et ce qu'il faut savoir, c'est que si tout n'avait pas dysfonctionner, on en serait pas là. Il suffisait d'une seule institution qui fasse son travail."

Le premier procès retentissant n'interviendra qu'en 2020. Joël Le Scouarnec est condamné à quinze ans de prison pour les viols d’une de ses nièces et de sa petite voisine de Jonzac, ainsi que pour agressions sexuelles sur son autre nièce et une patiente mineure.

Que savait sa femme ?

L'épouse de Joël Le Scouarnec, Marie-France, désormais divorcée, est l'une des rares visiteuses de prison de l'ex-chirurgien. Elle continue de lui apporter des livres. Interrogée par Ouest-France, elle réaffirme n'avoir jamais repéré la déviance perverse d'un homme qu'elle adulait. "C'est docteur Jekyll et Mister Hyde. C'est une trahison terrible qu'il nous a faite à moi et à mes enfants. Ils sont malades maintenant. Je suis fatiguée, les enfants sont harcelés. Il y en a un qui a dû démissionner de force parce qu'il est le fils d'un pédophile", dit-elle.

"L'ex-épouse de Joël Le Scouranec dit qu'elle ne savait rien, mais évidemment qu'elle savait, affirme Hugo Lemonier. Mais elle savait quoi exactement ? C'est-à-dire que contrairement au reste de la famille, elle est dans une sorte de dénis. Tandis que la sœur de Joël Le Scouarnec, qui est quand même la mère de deux victimes, parle. Elle raconte : "Au cours de ce premier procès, je me suis rendu compte, avec la procédure, que chaque enfant, chaque famille avait une pièce du puzzle et qu'on ne voyait rien."














































Les invités de "L'Heure du crime"

- Me Francesca Satta, avocate au barreau de Saintes, avocate de plusieurs victimes de Joël Le Scouarnec. 
- Hugo Lemonier, journaliste, auteur du livre Piégés – Dans le journal intime du Dr Le Scouarnec qui vient de sortir aux éditions Nouveau Monde.



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