24 mars 2015, 9h33. Le contrôle aérien perd contact avec l'Airbus A320 de la compagnie Germanwings, qui relie Barcelone à Düsseldorf. À son bord se trouvent 144 passagers, six membres d'équipage, le commandant de bord et son copilote. À partir de ce moment-là, l'avion ne fait que descendre... jusqu'à s'écraser contre les montagnes des Alpes françaises.
Dans l'immédiat, la catastrophe reste une énigme. Pas de problème technique, ni météorologique. L'enquête permet de retrouver les boîtes noires de l'appareil, puis de pointer le responsable de ce crash. Il s'agit d'Andreas Lubitz, 27 ans, copilote, qui a sciemment mené son avion à la catastrophe. Son geste prend tout le monde de court : il n'avait jamais présenté aucune tendance suicidaire ni évoqué son état psychologique pourtant fragile.
"Je pense qu'à ce moment-là, Lubitz a en quelque sorte 'oublié', tous les gens qui étaient avec lui", avance Maître Sophie Thonon-Wesfreid, avocate des familles de deux victimes argentines décédées dans le crash dans Les Voix du crime. "Il était dans un délire personnel, dans une espèce de tunnel, et les autres ont disparu de ses préoccupations, de son univers psychotique (...) mais donc il avait cette idée derrière la tête. Et là, il va trouver les conditions idéales pour la mettre en œuvre."
C'était absolument, absolument, imprévisible. Personne ne pouvait l'imaginer
Me Sophie Thonon-Wesfreid
Quelques minutes avant le crash, Andreas Lubitz est seul dans le cockpit, le commandant de bord s'est absenté pour aller aux toilettes. Lorsque ce dernier revient, la porte est verrouillée de l'intérieur. Impossible de l'ouvrir. De son côté, Lubitz a coupé la connexion avec le contrôle aérien et enclenché le pilote automatique. L'appareil est en descente.
Le commandant de bord, affolé, finit par se saisir d'une hache pour défoncer la porte, sous les yeux des passagers. "C'est une scène qui est tellement extraordinaire, tellement inhabituelle que peut-être, personne ne s'est rendu compte", juge Me Thonon-Wesfreid. "Ce qui pouvait être difficilement compréhensible, c'était la rareté de cette scène. (...) C’était absolument, absolument, imprévisible. Personne ne pouvait l'imaginer."
Pendant dix minutes, l'avion descend en direction de la montagne et s'écrase, ne laissant aucun survivant. Sur le lieu du crash, les boîtes noires de l'appareil sont retrouvées quelques jours après la catastrophe. Elles donnent des premières pistes d'explications : Andreas Lubitz a agi seul, et a délibérément foncé sur la montagne.
Pour les familles, la question principale et centrale ça a été de savoir si leurs parents, leur fils, leurs enfants ont compris qu'ils allaient tous mourir dans quelques secondes
Me Sophie Thonon-Wesfreid
Les familles sont conduites sur place, notamment pour reconnaître les victimes. "Ça a été tout un travail d'identification absolument effroyable parce que les restes humains étaient totalement éclatés, dispersés dans la montagne", décrit Me Thonon-Wesfreid. C'est à l'occasion de la venue des proches, qui leur a été proposé d'écouter l'enregistrement des boîtes noires de l'avion. "La moitié des parents de victimes ont à ce moment-là quitté la salle", se souvient Me Thonon-Wesfreid.
"Pour les familles, la question principale et centrale ça a été de savoir si leurs parents, leur fils, leurs enfants ont pris conscience de ce qui s'était passé, s'ils ont compris qu'ils allaient tous mourir dans quelques secondes", poursuit l'avocate.
"Peut-être qu'à partir du moment où ils ont vu la montagne se rapprocher des ailes, là ils se sont dit, peut-être, qu'il y avait quelque chose d'anormal. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que tout ça s'est passé en quelques minutes. Donc le temps de conception de l'horreur de la situation, ils ne l'ont peut être pas eu à ce moment-là."
Une chose est certaine : Andreas Lubitz savait, lui, ce qu'il faisait. Quelques jours avant, il avait recherché comment fonctionnaient les portes de cockpits et plusieurs feuilles d'arrêt maladie ont été retrouvées déchirées chez lui. "Il a véritablement dissimulé (sa maladie) de manière extrêmement habile", insiste Me Thonon-Wesfreid. Si bien que l'enquête française n'a pas permis de dégager la responsabilité pénale de qui que ce soit d'autre : elle s'est conclue en 2022 par un non-lieu.
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